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de trivanderam à goa.

dent d’y pénétrer à cause des reptiles. La main du temps semblait s’être hâtée de voiler ces lieux sinistres, et de répandre à profusion la verdure et les fleurs là où avaient coulé tant de larmes, où avaient éclaté tant de sanglots.

Seule, la chambre de torture, déblayée sans doute à l’intention des visiteurs, avec ses anneaux scellés dans le mur, ses foyers noircis, ses chevalets de fer, permettait de reconstituer par la pensée quelques épisodes affaiblis des scènes sauvages qui avaient dû s’y passer…

Au moment où nous sortions de ces ruines, nous vîmes venir à nous cinq ou six malheureux qui nous firent détourner la tête avec dégoût. Tous étaient affreusement estropiés et mutilés, et à quelques années près paraissaient du même âge, de soixante-cinq à soixante-dix ans environ.

L’un rampait plutôt qu’il ne marchait, le corps supporté par quatre moignons informes, tenant entre ses dents une moitié de coco en guise de sébile… un autre n’avait plus de langue ni d’yeux… un troisième avait les mains coupées ; un autre encore avait eu les pieds broyés dans les brodequins de torture… Ils étaient là, nous demandant l’aumône, avec des sons et des cris inarticulés… et nous laissâmes tomber