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voyage au pays des brahmes.

sanyassis qui chantent les louanges des dieux au coin d’une rue, ou les fakirs qui invoquent les âmes des ancêtres sur un petit réchaud qui les enveloppe d’un nuage de fumée de myrrhe et d’encens, pendant qu’une troupe de belluaires nus dorment dans un carrefour, pêle-mêle avec leurs tigres, leurs ours, leurs rhinocéros, leurs cobra-capels et leurs caïmans enchaînés.

C’est la nuit qu’il faut voir l’Inde mystérieuse, magique, animée, procédant à ses fêtes, à ses orgies, à ses cérémonies religieuses, à ses saturnales… De jour l’Inde dort, la nuit l’Inde se réveille ; de jour l’Inde n’a rien à nous dire, la nuit elle nous parle de son passé. Ses rapsodes chantent les vieux poëmes védiques de porte en porte, les temples s’éclairent, les bayadères dansent devant les statues des dieux ; il passe près de vous comme un vent d’antiquité qui vous reporte aux mythes étranges qui encombrent le berceau de l’humanité. Et il vous semble qu’en face de vous sortent de leur tombeau des dieux, des rois, des héros, des peuples, des idées qui dorment depuis vingt mille ans.

L’Inde de nuit, c’est l’Inde du penseur…

Le brahme mort dont nous apercevions le cadavre sur une sorte de claie couverte de fleurs et posée au milieu même de la rue, appartenait à cette classe de prêtres chargés de vivre avec