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voyage au pays des brahmes.

Le Grand Mogol gagna à prix d’argent quelques officiers de l’armée de Bedjapour, et une nuit, Kourk-o-Boudghy était jeté par-dessus les remparts, et recueilli par l’armée assiégeante, qui, au lever du soleil, tourna le canon contre la ville.

Inutile de dire que, démoralisés par cette perte, les défenseurs de Bedjapour forcèrent Adil-Shah de se rendre à discrétion.

— Il est singulier de remarquer, me dit mon compagnon, à quel point est important le rôle que jouent les traîtres dans l’histoire de tous les peuples.

— Ajoutez, lui répondis-je, que les officiers qui livrèrent Bedjapour à Aureng-Zeb furent comblés d’honneurs par ce dernier, et si vous interrogez les annales de l’humanité, vous verrez qu’il n’y a jamais eu de châtiés que les traîtres qui n’ont pas réussi,

— Et la morale de ceci ?

— C’est que la morale historique, celle qui n’amnistiera ni les traîtres, ni les massacreurs d’hommes, ni ceux qui livrent les villes, ni ceux qui passent le Rubicon, est encore à naître.

Comme nous prenions congé de notre interlocuteur, le vieux moullah, en nous adressant son salam d’adieu, nous demanda si nous comptions rester quelque temps à Bedjapour.