Page:Jacobus X - Le Marquis de Sade et son œuvre devant la science médicale et la littérature moderne, 1901.djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Arles, où le croisement des races grecque et sarrazîne a produit des femmes d une rare beauté.

Fabrice l’avait vue et depuis l’avait désirée d’un désir violent, tyrannique, qui, pour lui, était l'amour. Avec la brutale franchise d’un homme qui ne connaît point d’obstacles à ses passions, il avait dit au frère aîné de Sibylle : « Je suis amoureux de ta sœur ». Et Honorât de Puymaure lui avait répondu : « Epouse-la ».

Honorat, que la caducité prématurée du comte de Puymaure faisait le chef réel de la famille, savait fort bien à qui il livrait sa sœur ; mais il avait lui-même les femmes en peu d’estime et ne voyait dans le mariage de Sibylle avec le fortuné seigneur d’Apt que les avantages d’une riche alliance.

Quant à la demoiselle, sachant que tôt ou tard, il lui faudrait sabir un mari qu’on lui imposerait, elle s’était pourvue d’un amant. Elle aimait et elle était aimée avec passion. L'écuyer de son père, un jeune et beau garçon de 25 ans, le sire de Raphel, risquait chaque nuit sa vie pour coucher avec elle. Il était obligé de grimper sur les toits pour descendre par une lucarne jusqu’à l’escalier qui conduisait à sa chambre.

De son côté la jeune fille était surveillée, épiée. Les périls exaltaient leurs plaisirs. Chacun de leurs baisers avait les ardeurs suprêmes du premier et du dernier jour.

Depuis la visite de Fabrice, et bien que son frère ne lui eût rien dit, Sibylle se sentait menacée. Souvent, le regard dur et pénétrant d’Honorat plongeait dans le sien pour en surprendre le secret. Ses femmes étaient interrogées sur l’emploi de toutes ses heures, sur ses propos et son humour, sa gaieté ou sa mélancolie. Elle trembla d’être devinée, non pour elle-même, mais pour son amant, et un malin le supplia de renoncer à la revoir. Raphel n’y consentit point sans larmes. « La mort lui eût été moins pénible », disait-il, et il s’en alla.

Quelques minutas plus tard, aux premières lueurs de l’aube, Honorât rentra chez sa sœur. « Sibylle, dit-il avec calme et sans