Page:Jacob - Souvenirs d’un révolté.djvu/3

Cette page n’a pas encore été corrigée

SOUVENIRS D’UN RÉVOLTÉ

Les derniers actes – mon arrestation


à ma mère

La propriété c’est le vol

Proudhon


— Hé Georges ! Nous arrivons. Lève-toi.

Brusquement interrompu dans ma somnolence, d’un bond, je me levai. Puis regardant mon compagnon avec ce regard que l’on a en s’éveillant :

— Abbeville ?

Pélissard [1] me fit un signe de tête affirmatif. Aussitôt, je serrai mes outils, roulai une cigarette et l’allumai ; puis je scrutai le ciel pour m’assurer s’il pleuvait encore comme à notre départ de Paris. Pélissard me devina.

— Il pleut bézef, mon vieux ! Me dit-il en secouant sa main droite. Il fait noir comme dans un four.

— Tant mieux ! Lui dis-je en souriant.

— T’en parles à ton aise, toi ; tu as ton imperméable. Mais pour moi, c’est pas rigolo. Je n’ai pas même un parapluie.

— Bah ! Avant une heure tu en auras un.

Le sifflet strident de la locomotive mit fin à notre conversation. Le train stoppa. Nous étions attendus. Sur le quai extérieur de la gare, à la sortie des voyageurs, Bour [2], sacoche en bandoulière, nous attendait.

  1. Léon Pélissard sera condamné à 8 ans de travaux forcés. En vertu de la loi sur la transportation qui institue le doublage, l’ancien Travailleur de la Nuit doit donc finir sa vie en Guyane, tout retour en métropole lui étant désormais interdit.
  2. Félix Bour, ouvrier typographe, sera condamné aux travaux forcés à perpétuité au procès d’Amiens. Comme tous les autres compagnons de Jacob transportés dans l’enfer guyanais, il y disparaîtra quelques années plus tard.