Page:Jacob - La Perle ou Les Femmes litteraires.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tu semas sur la terre une race féconde
En ires et forfaits, fureurs et cruautés,
Par qui les vertueux vivent persécutés ;
Mais sur tous aultres lieux c’est la contrée attique
Qui tesmoigne le plus de ta puissance inique,
Non point pour Théséus, de ses parens trahi ;
Pour le juste Aristide, injustement haï :
Ni pour ce Thémistocle, allant chercher la terre
D’un roy que tant de fois il poursuivit ep guerre ;
Ni pour voir Miltiade, à tort emprisonné ;
Pour Socrate non plus, qui meurt empoisonné ;
Mais pour toi, Phocion, qui n’eus pas sépulture
Au pays tant aimé où tu pris nourriture.
Une dame étrangère, ayant la larme à l’œuil,
Reçut ta chère cendre et la mist au cercueil :
Honorant tes vertus de louanges supresmes,
Elle cacha tes os dedans son foyer mesmes,
Disant d’un triste cueur, humble et dévotieux
Je vous appelle tous, Ô domestiques dieux,
Puisque de Phocion l’âme s’est retirée
Pour aller prendre au ciel sa place préparée,
Et que ses citoyens, aucteurs de son trespas,
L’ayant empoisonné, ores ne veulent pas
Qu’il soit enseveli dedans sa terre aimée,
Se montrant envieux dessus sa renommée ;
Puisque mort il éprouve encor leur trahison,
Aimons ce qui nous reste, honorons sa prison.

CATHERINE DESROCHES