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Répétant que demain je ne les verrai pas !
Que veux-tu, c’est folie, et tu m’en vois honteuse,
J’espérais du plaisir… l’espérance est menteuse ;
Je ne m’y firai plus… En quittant ces beaux lieux,
Témoins de mon amour, de ma joie innocente,
J’ai peur de les revoir les larmes dans les yeux ;
II n’est pas de malheur que mon cœur ne pressente ?
Mon esprit, tu le sais, facile à s’émouvoir,
Inquiet et troublé, jamais ne se repose :
Pour l’être fait ainsi le bonheur se compose
De mille riens, hélas ! qu’on ne saurait prévoir ;
Je suis ce qui m’entoure et rarement moi-même.
Laisse-moi donc trembler loin de tous ceux que j’aime.
Ici ce que je vois semble me protéger :
Sur ce banc qu’un lilas pare et vient ombrager,
J’ai pleuré quelquefois : là mon âme blessée
Souvent a promené son unique pensée ;
Partout le souvenir me charme et me remplit,
Et pour moi du passé le présent s’embellit.
Ces arbres, ces bosquets, et ces boutons qui naissent,
Tous ces objets enfin, je crois qu’ils me connaissent.
Partir ! qui me promet que tu me reverras ?
Ah ! sait ou l’avenir ?… Je ne partirai pas i
Peut-être en ces lieux, chers à mes jeunes années,
Je reviendrais un jour le cœur désenchanté,
Voyant à nu la vie, et retrouvant fanées
    — Ces fleurs… et ma beauté.

Madame Janvier.