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LE TOUCHER MUSICAL


La dissociation des doigts et la dissociation de l’espace.

La dissociation des doigts lorsqu’elle est bien complète, développe le besoin très caractéristique de maintenir les doigts écartés les uns des autres. Pour une main dissociée, l’effort semble résider dans le fait de ramener les doigts au contact et non pas de les maintenir écartés. C’est qu’on ne sent, en effet, vraiment le lien par lequel les sensations de la main s’unifient que lorsque les doigts ne se touchent pas, s’ils ne sont pas en communication directe. La pensée élargit effectivement le cadre des sensations tactiles réelles à travers des fils conducteurs invisibles, dans lesquels se localisent des sensations nouvelles qu’on pourrait appeler irréelles.

C’est-à-dire qu’il se fait une identification remarquable entre la capacité de se représenter visuellement l’orientation des claviers minuscules des pulpes et la capacité de mesurer l’espace qui s’introduit entre les écartements des doigts, pendant l’exécution des touchers. On sent les divisions de l’espace succéder à la division de la sensibilité tactile, comme si l’on voyait des fils tendus au delà des organes visibles, de sorte que la main ne semble former qu’une seule force avec l’espace qui l’entoure.

Sous l’influence de cet élément élastique, rendu mesurable par l’affinement des sensations tactiles, la conscience se modifie au point qu’il semble qu’une conscience distincte se forme dans chaque doigt, et qu’à travers ces consciences distinctes apparaît l’unité de la main dans un équilibre constant prove-