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L’ÉDUCATION DE LA PENSÉE ET LE MOUVEMENT

Ce travail intellectuel est tout d’abord entravé par l’inconscience manuelle.

L’inconscience manuelle.

Nous avons dit qu’il faut apprendre à penser les mouvements que la main doit exécuter. Mais, avant d’apprendre à penser ces mouvements, il faut apprendre à sentir sa main. Les sensations peuvent se diviser en deux groupes principaux :

Les sensations d’arrêt de mouvements ;

Les sensations de mouvements.

Cette inconscience manuelle dont nous sommes affligés nous empêche de diriger nos doigts indépendamment les uns des autres.

Sous ce rapport, l’impuissance est si complète qu’elle devient presque incompréhensible pour ceux qui savent qu’en réalité, dans l’étude du piano, il suffit de se représenter mentalement avec netteté les mouvements à exécuter et à arrêter, pour être aussitôt à même de les exécuter et de les arrêter réellement, malgré la complexité des fonctions tactiles mises en jeu.

Devant notre incapacité d’action, nous sommes forcés de reconnaître qu’en réalité nous ne savons pas agir, parce que nous ne savons pas penser.

Le premier effort de l’éducation consiste donc à apprendre à sentir notre main dont la destination est si supérieure à celle à laquelle notre inconscience la réduit. Mais, malheureusement, nous la sentons aussi peu, par rapport à ce que nous voulons lui faire faire, que par rapport à ce que nous ne voulons pas qu’elle fasse.