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4 Janvier 1914
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit.


CHAPITRE 1er

Des immeubles.


Art. 1er. — Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins du ministre des beaux-arts, selon les distinctions établies par les articles ci-après.

Sont compris parmi les immeubles susceptibles d’être classés, aux termes de la présente loi, les monuments mégalithiques, les terrains qui renferment des stations ou gisements préhistoriques et les immeubles dont le classement est nécessaire pour isoler, dégager ou assainir un immeuble classé ou proposé pour le classement.

À compter du jour où l’administration des beaux-arts notifie au propriétaire sa proposition de classement, tous les effets du classement s’appliquent de plein droit à l’immeuble visé. Ils cessent de s’appliquer si la décision de classement n’intervient pas dans les six mois de cette notification.

Tout arrêté ou décret qui prononcera un classement après la promulgation de la présente loi sera transcrit, par les soins de l’administration des beaux-arts, au bureau des hypothèques de la situation de l’immeuble classé. Cette transcription ne donnera lieu à aucune perception au profit du Trésor.

Art. 2. — Sont considérés comme régulièrement classés avant la promulgation de la présente loi : 1o les immeubles inscrits sur la liste générale des monuments classés, publiée officiellement en 1900 par la direction des beaux-arts ; 2o les immeubles compris ou non dans cette liste, ayant fait l’objet d’arrêtés ou de décrets de classement, conformément aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.

Dans un délai de trois mois, la liste des immeubles considérés comme classés avant la promulgation de la présente loi sera publiée au Journal officiel. Il sera dressé, pour chacun desdits immeubles, un extrait de la liste reproduisant tout ce qui le concerne ; cet extrait sera transcrit au bureau des hypothèques de la situation de l’immeuble, par les soins de l’administration des beaux-arts. Cette transcription ne donnera lieu à aucune perception au profit du Trésor.

La liste des immeubles classés sera tenue à jour et rééditée au moins tous les dix ans.

Il sera dressé, en outre, dans le délai de trois ans, un inventaire supplémentaire de tous les édifices ou parties d’édifices publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat, présentent cependant un intérêt archéologique suffisant pour en rendre désirable la préservation. L’inscription sur cette liste sera notifiée aux propriétaires et entraînera pour eux l’obligation de ne procéder à aucune modification de l’immeuble inscrit sans avoir, quinze jours auparavant, avisé l’autorité préfectorale de leur intention.

Art. 3. — L’immeuble appartenant à l’État est classé par arrêté du ministre des beaux-arts, en cas d’accord avec le ministre dans les attributions duquel ledit immeuble se trouve placé.

Dans le cas contraire, le classement est prononcé par un décret en conseil d’État.

Art. 4. — L’immeuble appartenant à un département à une commune ou à un établissement public est classé par un arrêté du ministre des beaux-arts, s’il y a consentement du propriétaire et avis conforme du ministre sous l’autorité duquel il est placé.

En cas de désaccord, le classement est prononcé par un décret en conseil d’État.

Art. 5. — L’immeuble appartenant à toute personne autre que celles énumérées aux articles 3 et 4 est classé par arrêté du ministre des beaux-arts, s’il y a consentement du propriétaire. L’arrêté détermine les conditions du classement. S’il y a contestation sur l’interprétation ou l’exécution de cet acte, il est statué par le ministre des beaux-arts, sauf recours au conseil d’État statuant au contentieux.

À défaut du consentement du propriétaire, le classement est prononcé par décret en conseil d’État. Le classement pourra donner lieu au payement d’une indemnité représentative du préjudice pouvant résulter pour le propriétaire de l’application de la servitude de classement d’office instituée par le présent paragraphe. La demande devra être produite dans les six mois à dater de la notification du décret de classement ; cet acte informera le propriétaire de son droit éventuel à une indemnité. Les contestations relatives à l’indemnité sont jugées en premier ressort par le juge de paix du canton ; s’il y a expertise, il peut n’être nommé qu’un seul expert. Si le montant de la demande excède 300 fr., il y aura lieu à appel devant le tribunal civil.

Art. 6. — Le ministre des beaux-arts peut toujours, en se conformant aux prescriptions de la loi du 3 mai 1841, poursuivre au nom de l’État l’expropriation d’un immeuble déjà classé ou proposé pour le classement, en raison de l’intérêt public qu’il offre au point de vue de l’histoire ou de l’art. Les départements et les communes ont la même faculté.

La même faculté leur est ouverte à l’égard des immeubles dont l’acquisition est nécessaire pour isoler, dégager ou assainir un immeuble classé ou proposé pour le classement.

Dans ces divers cas, l’utilité publique est déclarée par un décret en conseil d’État.

Art. 7. — À compter du jour où l’administration des beaux-arts notifie au propriétaire d’un immeuble non classé son intention d’en poursuivre l’expropriation tous les effets du classement s’appliquent de plein droit à l’immeuble visé. Ils cessent de s’appliquer si la déclaration d’utilité publique n’intervient pas dans les six mois de cette notification.

Lorsque l’utilité publique a été déclarée, l’immeuble peut être classé sans autres formalités par arrêté du ministre des beaux-arts. À défaut d’arrêté de classement, il demeure néanmoins provisoirement soumis à tous les effets du classement, mais cette sujétion cesse de plein droit si dans les trois mois de la déclaration d’utilité publique l’administration ne poursuit pas l’obtention du jugement d’expropriation.

Art. 8. — Les effets du classement suivent l’immeuble classé, en quelques mains qu’il passe.

Quiconque aliène un immeuble classé est tenu de faire connaître à l’acquéreur l’existence du classement.

Toute aliénation d’un immeuble classé doit, dans les quinze jours de sa date, être notifiée au ministre des beaux-arts par celui qui l’a consentie.

L’immeuble classé qui appartient à l’État, à un département, à une commune, à un établissement public, ne peut être aliéné qu’après que le ministre des beaux-arts a été appelé à présenter ses observations ; il devra les présenter dans le délai de quinze jours après la notification. Le ministre pourra, dans le délai de cinq ans, faire prononcer la nullité de l’aliénation consentie sans l’accomplissement de cette formalité.

Art. 9. — L’immeuble classé ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, si le ministre des beaux-arts n’y a donné son consentement.

Les travaux autorisés par le ministre s’exécutent sous la surveillance de son administration.

Le ministre des beaux-arts peut toujours faire exécuter par les soins de son administration et aux frais de l’État, avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de réparation ou d’entretien qui sont jugés indispensables à la conservation des monuments classés n’appartenant pas à l’État.

Art. 10. — Pour assurer l’exécution des travaux urgents de consolidation dans les immeubles classés, l’administration des beaux-arts, à défaut d’accord amiable avec les propriétaires, peut, s’il est nécessaire, autoriser l’occupation temporaire de ces immeubles ou des immeubles voisins.

Cette occupation est ordonnée par un arrêté préfectoral préalablement notifié au propriétaire, et sa durée ne peut en aucun cas excéder six mois.

En cas de préjudice causé, elle donne lieu à une indemnité qui est réglée dans les conditions prévues par la loi du 29 décembre 1892.

Art. 11. — Aucun immeuble classé ou proposé pour le classement ne peut être compris dans une enquête aux fins d’expropriation pour cause d’utilité publique qu’après que le ministre des beaux-arts aura été appelé à présenter ses observations.

Art. 12. — Aucune construction neuve ne peut être adossée à un immeuble classé sans une autorisation spéciale du ministre des beaux-arts.

Nul ne peut acquérir de droit par prescription sur un immeuble classé.

Les servitudes légales qui peuvent causer la dégradation des monuments ne sont pas applicables aux immeubles classés.

Aucune servitude ne peut être établie par convention sur un immeuble classé qu’avec l’agrément du ministre des beaux-arts.

Art. 13. — Le déclassement total ou partiel d’un immeuble classé est prononcé par un décret en conseil d’État, soit sur la pro-