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(morceau de cotonnade rouge ou bleu foncé, à ramages blancs ou jaunes) négligemment ceint autour des reins ; la chemise européenne, blanche ou de couleur, retombant par-dessus ; le chapeau de paille de « ohué », orné d’une couronne de « pia », planté sur l’oreille. Tout le monde marche pieds nus, et chacun porte à la main un paquet contenant des hardes de rechange. Les mères tirent par la main un enfant et en portent un autre en équilibre sur la hanche. Souvent ces groupes sont précédés ou suivis par un ou plusieurs chevaux chargés de régimes de « feï », grosse banane des montagnes, ou de paquets de « huru » (fruit de l’arbre à pain), qui doivent servir à la nourriture des voyageurs pendant la durée du déplacement. Des petits cochons de lait et des volatiles sont parfois suspendus à côté de ce pain des Tahitiens, ou bien les voyageurs poussent devant eux des porcs qu’ils ont l’intention de vendre ou d’échanger à la ville. Pendant que ces groupes cheminent par terre, des pirogues simples ou doubles et quelques baleinières transportent par eau les personnes plus âgées.

Tout ce monde vient à la capitale faire ses emplettes de jour de l’an, et l’on voit bientôt les voyageurs reprendre le chemin de leur district, chargés de provisions de tout genre et dissimulant plus ou moins habilement sous leurs vêtements l’eau-de-vie prohibée dont ils ont fait l’acquisition.

Pendant ce temps, les hommes les plus robustes et les plus agiles ont été explorer les profondes vallées du centre de l’île pour cueillir le « féi », fruit qui compose le fond de la nourriture des Tahitiens pendant plusieurs mois de l’année, et chasser le cochon sauvage.

À la Noël, tout le monde est rentré au village : ceux-ci embarrassés de mille paquets et de provisions diverses ; ceux-là chargés de régimes de « féi », de paniers d’ « évi » (pommes de Cythère), de bottes de « maïoré » et de cochons sauvages, qu’ils portent sur d’énormes gaules. À cette époque, les districts entrent dans une phase d’activité et de mouvement qu’on n’y voit à aucune autre époque de l’année : le travail, ou plutôt la corvée des routes, est suspendu avec permission de l’autorité centrale, et les hommes restent au village.