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dans sa case. Si ces derniers trouvent l’inspiration « nèh nèh » (intéressante, jolie), et il est rare qu’il en soit autrement, ils l’apprennent par cœur séance tenante, presque toujours en y apportant quelques modifications, que le compositeur adopte avec assez de bonne grâce.

Si le district ne possède pas un poëte, le ministre ou le maître d’école est requis d’assembler des paroles sur l’air nouveau. Le poëte de circonstance, qui, pareil à certains orateurs des pays civilisés, a péniblement et de longue main préparé son « improvisation », la débite gravement et la voit adoptée sans conteste par l’auditoire. Cette poésie, sans rime ni mesure, se compose généralement d’une seule phrase, plus ou moins longue, suivant les exigences de la composition musicale à laquelle on l’adapte tant bien que mal.

L’« himéné » ainsi créé, les choristes sont convoqués au son du « tari-paraù » (parole qui roule, tambour) — dans la case affectée à leurs réunions, qui est généralement la maison commune. Là le compositeur et ses initiés leur communiquent les éléments du nouvel « himéné ». Adhésions et critiques éclatent simultanément en un énorme brouhaha d’interjections, de rires et de controverses ; mais l’adoption s’impose toujours par la voix puissante d’un gaillard armé d’un bâton qui remplit les fonctions de directeur du chant, et dont le jugement est sans appel.

L’air est toujours composé pour voix de soprano. Les exécutantes de ce registre, assises sur deux files se faisant face à une distance plus ou moins large, l’apprennent séance tenante, et pendant qu’elles le répètent, les « mezzo-soprani », formant les ailes des secondes files, dont le centre est occupé par les « contralti », les premiers et les seconds ténors et les deux ordres de basses-tailles qui forment les dernières files, s’essayent, d’oreille et sans aucune direction, à accompagner le motif, selon leurs moyens respectifs. Au bout de quelques répétitions, qui, chose remarquable, ne donnent jamais lieu à une seule note discordante, et où la mesure, que personne ne bat, n’est jamais en défaut, le nouveau chœur a déjà pris une fort bonne tournure. Alors le « raatira » ou chef invite les