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L’« amuramâa » sera-t-il célébré « papâa huru », c’est-à-dire à la mode des étrangers, ou s’en tiendra-t-on aux coutumes nationales ?

Enverra-t-on des invitations aux amis et personnes marquantes parmi les blancs de la ville et du canton ?

Se passera-t-on de pain et de vin, objets de luxe dans le pays ?

Et (cela se dit à voix basse, voire même à huis-clos, si le village possède des « motoï papâa », gendarmes), le régal par excellence, le nectar d’autant plus délicieux qu’il est défendu, l’irrésistible cavaâva » (eau-de-vie), sera-t-il acheté à fonds communs ou par chaque amateur pour son propre compte, à ses risques et périls ? Si, par la dureté des temps et la rigidité de la surveillance, l’acquisition de la liqueur défendue présente des obstacles insurmontables, on se demande s’il ne vaut pas mieux se contenter de la boisson nationale faite d’oranges fermentées et dont le gendarme est aussi incapable d’apprécier les délices que la loi d’empêcher l’usage.

On discute ensuite la question des toilettes des hommes et des femmes : seront-elles uniformes pour les deux sexes, ou chacun s’habillera-t-il selon ses goûts et ses moyens ? Les souliers et les bottines sont de rigueur ; les districts les plus pauvres ne s’en dispensent plus. Mais ce luxe, qui a l’inconvénient de blesser horriblement les pieds, ne manque-t-il pas son effet lorsque beaucoup de gens se contentent de porter leurs chaussures à la main ? Sans doute l’uniformité de costume est désirable, mais tout le monde n’a pas le même crédit chez le marchand de Papeeté ou le Chinois ambulant : les « papâa » ne veulent plus être payés en paroles ; ils réclament de l’argent ou du travail. Du premier, qui est-ce qui en possède ? Quant au second, le travail… « haûmani » ! (quel ennui !) Cependant les rubans et les fleurs multicolores dont les hommes de la ville ont orné leurs chapeaux certain dimanche seraient chose charmante à adopter.

Y aura-t-il des divertissements publics à l’issue de l’« amuramâa » ? Sans doute il n’y a rien de plus « area-area », c’est à-dire de plus réjouissant dans une fête, mais le bonheur su-