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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

riqui, et aussi les Zambos noirs de l’isthme, ont obstinément refusé de participer aux travaux.

Bouvreuil prenait des notes. C’étaient autant d’éléments que cette enquête lui fournissait pour son rapport. Mais où le rédigerait-il ? Quand l’enverrait-il ? Il n’en savait plus rien.

Lorsque l’Indien eut rejoint sa voiture, une volante, et y eut installé Lavarède, miss Aurett et Murlyton, l’usurier n’osa pas y demander place. Franchement, Lavarède eût été bien naïf de l’emmener avec lui.

Avec Gérolans, Bouvreuil reprit le chemin de fer et revint à Colon pour attendre la réponse de don José. D’abord, il câbla un télégramme à l’adresse de Pénélope, lui disant :

« Je ne reviens pas encore, je pars pour je ne sais où en suivant Lavarède. C’est un homme étonnant. Va te reposer à Sens dans notre maison de campagne, attends des nouvelles. »

Pendant ce temps, la petite caravane était arrivée dans l’habitation de Ramon. L’Anglaise reçut de l’Indienne Iloé la plus fraternelle hospitalité. Lavarède, Murlyton et l’Indien bivouaquèrent tant bien que mal, et il fut convenu que l’on se mettrait en route le lendemain matin.

Lavarède n’avait-il pas raison de se fier à sa bonne étoile ? La chance, matée par un peu d’initiative, ne le servait-elle pas, chaque fois qu’il se trouvait aux prises avec un embarras quelconque, en lui amenant une aide imprévue ?

Telles étaient les réflexions que se faisait notre héros, en cheminant, de grand matin, sur la route qui conduit de San-Pablo vers Chorerra, en laissant Arrayan à sa gauche.

Le mot « route » paraîtrait un peu prétentieux à un Européen, accoutumé à nos grandes voies bien entretenues. En tous ces pays isthmiques, jusques et y compris le Mexique, ce sont des chemins, parfois tracés, d’autres fois devinés, où les voitures cahotent à qui mieux mieux, où les mules seules marchent. Souvent ce n’est qu’un sentier.

— Mais tout de même, dit-il à voix haute, quelle splendide végétation !

— Telle, murmura l’Indien, qu’elle couvrira bientôt les travaux du canal si on les interrompt longtemps.

Ce disant, il désignait la région que nos voyageurs laissaient en arrière.

Les trois hommes, Armand, Ramon et Murlyton, marchaient de compagnie. Iloé et miss Aurett étaient dans la volante, avec les bagages, conduites par une mule pittoresquement harnachée, qui se dirigeait toute seule, sans qu’il fût besoin d’un arriero pour la guider. De l’œil, la bête suivait