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SUR LA TERRE AMÉRICAINE.

rencontrer une tribu indienne de mœurs douces, il y en a. Mais il y en a aussi des autres, les Valientes, fiers, indépendants et parfois féroces.

— Ce tableau n’est pas encourageant, répondit Lavarède, mais il ne m’arrête pas. À défaut de chemin tracé par l’homme, la nature en a fait un, puisque les plages suivent les deux côtés de l’isthme pour nous mener dans les républiques voisines. La Cordillère elle-même n’est-elle pas une route ? Elle est parallèle aux deux mers et les villages nombreux, soit d’Indiens, soit d’immigrants, doivent nécessairement communiquer entre eux. De plus, si l’on rencontre dans les forêts des animaux qui mangent, logiquement on en trouve aussi dont la mission est d’être mangés, des comestibles, comme le cobaye ; enfin, au besoin, on s’ouvre un chemin avec le machete.

— Je vous en donne deux, nous n’en manquons pas ici. Je vais même faire mieux : nous avons, nous autres, agents du canal, certaines facilités de circulation sur le chemin de fer, je vais vous emmener jusqu’au milieu de l’isthme, au col de la Culebra, en pleine Sierra. Dans le personnel placé sous mes ordres, j’ai remarqué un Indien de Putriganti, l’Espiritu-Santo des Espagnols, qui connaît l’ouest de l’Estado del Istmo jusqu’au Chiriqui. Il est très affectueux pour les blancs depuis qu’un médecin français a sauvé sa femme en danger de mort. S’il consent à vous accompagner, il vous sera d’une réelle utilité.

— C’est mon étoile qui l’envoie, fit Armand en riant, ne suis-je pas aussi un peu docteur ?

Et la petite caravane partit, emmenant Bouvreuil, sous la conduite de Gérolans. Si Lavarède avait fait de la médecine, il était aussi ingénieur, et les travaux qu’il avait sous les yeux devaient l’intéresser vivement. Bouvreuil, de son côté, tenait trop à connaître la vérité pour que la conversation ne tombât pas bientôt sur le spectacle qui commençait à les frapper.

— Le canal, dit Gérolans, traverse d’abord, depuis Colon jusqu’à Monkey-Hill et Lion-Hill, une plaine basse, où les travaux ont été très faciles. C’est ensuite, entre Gatum et Tabernilla, au bas du massif de Gamboa, que l’on a eu du fil à retordre.

— Gatum est ce bourg important, là, sur la droite ?

— Oui, c’est l’entrepôt de bananes le plus considérable du Centre-Amérique, je crois. L’exportation vers New-York est devenue telle qu’on a aménagé des bateaux tout exprès pour embarquer et conserver des quantités énormes de ce fruit.

— N’étions-nous pas sur la rive droite d’une rivière ? Serait-ce le fameux Chagres dont parlent tant les ingénieurs ?