Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

— Je vous invite à dîner, fit Murlyton en riant. C’est rester, je pense, dans les conditions de la lutte ; mais, outre que cela sera agréable à ma fille, je vous assure que vous m’amusez infiniment.

— Enchanté vraiment, dit Lavarède, qui ne mentait point, car il était heureux de se retrouver avec la jeune miss.

En dînant, la conversation reprit :

— Vous allez me dire, fit l’Anglais, par où et comment nous devons continuer notre tour du monde maintenant que vous n’avez plus le vapeur du capitaine Delgado.

— Par où ? mais par l’Amérique centrale… puis le Mexique, puis San-Francisco, puis…

— Bon, bon… mais comment ?

— Comment ? ah ! pardieu ! sur nos jambes.

By God !

— Et sans perdre de temps même, car je n’ai que douze mois… Si vous êtes trop fatigué, arrêtez-vous… moi je continuerai dès demain, 14 mai.

— Mais ce soir, puisque nous ne partons pas à la minute, où allez-vous dormir ?

— Que cela ne vous inquiète pas. J’ai trouvé, en venant à Isthmus’s Hotel, un ancien surveillant de l’École du génie maritime, M. Gérolans, que j’ai connu à Brest et qui me donne l’hospitalité. Donc, à demain matin…, bonne nuit, mademoiselle.

Resté seul, Murlyton murmura :

— Ce diable d’homme ! quelle volonté ! Il serait digne d’être mon compatriote.

— Oui, fit miss Aurett, mais aussi quelle gaieté ! Il est bien de sa race.

Le lendemain matin, Bouvreuil était arrivé le premier chez « son ami » Gérolans. Auparavant, il avait écrit à don José pour lui annoncer la réapparition de Lavarède, et son désir de continuer sa route par la voie de terre, faute d’autre moyen gratuit. Il avait appris ces choses par Gérolans, qui ne croyait pas mal faire, d’ailleurs, en les disant.

L’Anglais et sa fille les rejoignirent bientôt.

— Je ne sais pas si vous connaissez le pays, dit Gérolans à Lavarède, mais je crois que vous aurez de la peine à trouver un chemin tracé. Vous allez, à moins d’une journée d’ici, vous heurter à des forêts impénétrables, repaires de serpents et de bêtes fauves, qui ne sont habitées que par les métis, les Zambos noirs, les aventuriers de toute couleur, chercheurs de caoutchouc et de tangua. Le mieux qui puisse vous arriver serait encore de