cela il eut immanquablement découvert le journaliste tapi dans un angle du wagon.
On repartit. Fatigué, Lavarède s’étendit sur le plancher et s’endormit. Durant son sommeil, le train filait dépassant Dijon, puis Nuits-sous-Ravières.
Vers onze heures du matin, le 22 mars, il entrait en gare de Tonnerre.
Là, il fallait s’esquiver rapidement. Le jeune homme ouvrit la portière, regarda au dehors. Rien d’inquiétant n’était en vue. Il sauta sur le quai. Mais il jouait de malheur. À l’instant où ses pieds touchaient le sol, Jean quittait lui-même le wagon qui, depuis trente et une heures, lui servait de logis.
Reconnaître l’hôte de son père, se persuader que cet individu ne pouvait sortir d’un véhicule loué par lui sans les plus noirs desseins, fut pour sa défiance villageoise l’affaire d’une seconde. Et sans hésiter, d’une voix retentissante qui attira tous les employés, il hurla :
— Au voleur !
Lavarède eut un geste de rage. Ce niais allait ameuter le personnel contre lui. Il serait arrêté et alors…
Eh bien ! non, il ne serait pas dit qu’il échouerait au port, sans avoir tout mis en œuvre pour éviter ce malheur.
Comme des ressorts ses jarrets se détendirent et, à une allure éperdue de fauve traqué, il traversa la gare, la cour des marchandises et se trouva dans la ville.
À cent mètres en arrière, Jean entraînait les facteurs, les hommes d’équipe accourent, clamant :
— Au voleur ! au voleur !
Une ruelle était en face du fugitif. La porte ouverte d’un jardinet contigu à la première maison le fit arrêter dans son élan.
— Dépister un ennemi est plus sûr que chercher à le gagner de vitesse, murmura le jeune homme.
Il entra dans le jardin, repoussa le battant derrière lui et attendit. Des semelles ferrées sonnèrent sur le pavé de la rue. Il respira. Ses adversaires dépassaient sa retraite.
— Je l’ai vu au tournant de la rue, là-bas, clama un employé.
Et toute la bande hurlant : au voleur, fila dans la direction indiquée. Armand se crut sauvé. Mais voici qu’un bruit léger le fit tressaillir. Une jeune fille était sortie de la maison.
Voyant un étranger dans son jardin, elle ne put réprimer un cri d’effroi.