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LA MAFFIA.

Les Malouins confirmèrent son dire, et séance tenante, Armand fut engagé par le capitaine Pietro Antonell, commandant le trois-mâts à vapeur le Santa-Lucca, qui devait prendre la mer le surlendemain, 29 février, à trois heures.

Les matelots accompagnèrent le jeune homme jusqu’à la piazza del Senatorio, place de l’Hôtel-de-Ville, où ils lui firent leurs adieux.

— Mais on se reverra en France, n’est-ce pas, monsieur ! on vous remerciera de vos bienfaits.


Je suis une pauvre femme.

— Mes amis, il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas.

— Nous autres, fit Yan, c’est le 7 mars que nous quitterons la Sicile à bord d’un steamer venant de Gallipoli, à destination de Marseille. Jusque-là, nous résidons au fond d’un faubourg de Messine, dans la via Capranica.

— Presque la campagne, ajouta Langlois.

En arrivant à l’hôtel, le voyageur vit la porte encombrée par une bande de mendiants. Aurett avait fait le matin quelques larges aumônes. Le bruit s’en était répandu. Le ban et l’arrière-ban de la truanderie locale étaient accourus.

Les Anglais à leur retour eurent peine à traverser la foule en haillons quêtant une piécetta de Leurs Excellences. Ils parurent enchantés en apprenant que leur ami avait trouvé le moyen de continuer son voyage. La jeune fille surtout applaudit des deux mains.

— C’est de la curiosité, expliqua-t-elle en rougissant un peu sous le regard d’Armand. Je vous ai vu en caisse, en Bouvreuil ; vous vous êtes montré matelot, ingénieur, président de la République, guerrier, camelot, revenant, condamné à mort, aéronaute, bouddha, diplomate, médecin, conducteur de traîneau, banquier, électricien, poète… J’ai hâte de vous voir Parisien.

— Et moi donc ! murmura Lavarède avec un accent si caressant que l’Anglaise baissa les yeux, comprenant que lorsqu’on aime les mots les plus simples expriment encore l’amour.