« À l’étranger, se rendre de préférence dans les hôtels anglais. En cas d’embarras, aller chez le consul. »
C’était la fiche sur laquelle l’usurier avait consigné, au départ, quelques renseignements indispensables à son voyage.
— Et ce moyen ? demanda Bouvreuil surpris.
— Eh bien ! En arrivant à Trieste, réclamez-vous du consul français.
— Oh ! que c’est bête, s’écria le propriétaire en s’assénant sur la tête un formidable coup de poing, je n’y ai pas pensé !
Et, avec un accent de regret intraduisible :
— Voilà une distraction qui me coûte cher…
À sept heures on entrait en gare de Szegedin. Schultze, fidèle à sa promesse, conduisit Armand au buffet ou, malgré l’heure matinale, tous deux déjeunèrent copieusement.
Comme ils finissaient, une vingtaine de musiciens portant leurs instruments, violons, violoncelles, contrebasses, cymbalums, etc., envahirent l’établissement.
— Voici la czarda, fit l’agent.
— Ah ! oui, répliqua Lavarède, l’orchestre que l’on rencontre dans tous les trains de Hongrie.
— Oui, il s’est produit sûrement un peu de trouble sur la ligne, car il y a ici deux czardas : l’une va partir avec nous et l’autre ne prendra le train que demain.
— Comment le savez-vous ?
— C’est le buvetier qui m’a renseigné.
Le moment du départ arriva.
— Monsieur Schultze, dit le journaliste en prenant congé de l’agent, je voudrais vous adresser une prière.
— Faites donc ?
— Vous avez mon ticket pour Trieste !
— Parfaitement.
— Donnez-le-moi, je le garderai en souvenir de l’aventure.
— L’Autrichien acquiesça à son désir.
— Mais, s’écria-t-il tout à coup, il faut que je vous rende ce que je vous ai saisi à Bakou.
Armand ne se souciait pas de rappeler à Schultze qu’il n’avait rien saisi du tout.
Un tel aveu aurait pu compliquer la situation.