Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Bouvreuil s’adressa à sir Murlyton :

— Voyons, Monsieur, dites-leur donc qui je suis.

— Moi… mais je ne vous connais pas.

Un cri de rage lui répondit, lancé par Bouvreuil.

— Mais c’est à devenir fou ! cria-t-il.

— Hélas ! c’est fait depuis longtemps, mon bonhomme, riposta le second du bord.

À ce moment, l’ange de Lavarède, sa Providence, comme il appelait miss Aurett, eut une idée précieuse.

Lavarède se tenait à côté de l’officier.

Se tournant vers le jeune homme :

— Monsieur Bouvreuil, lui dit-elle, tâchez donc de savoir comment ce pauvre homme a fait pour arriver à Santander. Cela peut être intéressant, ajouta-t-elle avec intention.

— Tiens, au fait, vous avez raison, miss.

Cette intervention de la jeune Anglaise avait pour premier résultat d’enfoncer plus que jamais dans l’esprit des officiers l’idée que le faux Bouvreuil était bien le vrai. Mais elle était utile aussi à Lavarède au point de vue de sa défense future. Le danger qu’il avait cru écarté reparaissait plus fort que jamais.

Seulement, pendant le temps qu’avaient duré ces scènes diverses, le commandant Kassler était revenu, avait donné l’ordre du départ, et la Lorraine était déjà en marche, emportant les deux Bouvreuil, lorsque leur entretien commença en présence des Murlyton et du second, qui s’arrêtait chaque fois que son service le lui permettait.

L’infortuné Bouvreuil, le vrai, avait eu tous les malheurs à Bordeaux. D’abord, il lui avait fallu payer le transport de la caisse. Puis le retour du colis à Paris. Ensuite le prix de son propre voyage. Car dans la bagarre, il avait perdu son ticket de première classe, et jamais personne n’avait voulu croire à « son invention ». Enfin, il avait tout soldé en maugréant, et en maudissant Lavarède.

Il se croyait quitte et n’avait qu’une pensée : courir à bord du bateau, lorsque, à leur tour, intervinrent les douaniers.

La Compagnie du chemin de fer ne lui réclamait plus rien, soit. Mais la douane ? Et puis le commissaire spécial ? Il y avait un bon procès-verbal. Ça ne pouvait pas se passer comme ça. Bouvreuil envoie tout promener et s’élance.

Voilà les gendarmes qui se mettent de la partie. On crie. On lui court