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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

— Jusqu’au jour.

— Bien. Alors, transportez le foyer sur un de ces hauts rochers qui dominent la vallée. Je m’arrangerai de façon à ne pas le perdre de vue.

— Vous vous éloignez, dans l’obscurité ?

— Oui les loups aussi doivent être affamés, et la nuit, ils oseront peut-être attaquer un homme seul.

— C’est de la folie.


Une pâleur livide couvrait les joues de la mourante.

— Possible, mais j’ai chance aussi de remporter de la venaison… Et mais, est-ce la sagesse d’attendre ici que la faim et le froid aient accompli leur œuvre ?

Le Tekké fit un mouvement.

— Je vous accompagne.

— Non, restez à la garde du feu. Notre compagnon, lui, veille sa fille.

Et ayant serré la main du guide, Armand s’enfonça dans les ténèbres. Quelques minutes plus tard, à la cime d’une aiguille rocheuse, une flamme claire s’élevait. Le Tekké éclairait la marche du chasseur.

Longue fut la nuit. Le gentleman agenouillé auprès d’Aurett, suivait avec une angoisse grandissante le progrès du mal. La jeune fille ne le reconnaissait plus. Plongée dans un état comateux, elle n’en sortait que par de brusques accès de délire. Mais ses forces s’épuisaient visiblement. Les crises devenaient moins longues et moins fréquentes. Les sources de la vie se tarissaient peu à peu. En vain, Murlyton en tassait les couvertures, la température de la jeune fille s’abaissait. La mort étendait sur elle sa main décharnée.

Au petit jour, Lavarède revint sans avoir pu tirer la seule balle qui lui