son voyage. Celles-ci, enchantées de voir partir cette étrangère qui avait fait battre le cœur insensible du riche Lamfara, ne résistèrent pas à sa prière.
Elles mirent même à la disposition de la petite troupe des yaks et des vivres. Elles y ajoutèrent, non sans étonnement et sur la prière de l’Anglaise, un énorme sac rempli de tous les débris de poterie, de vaisselle, de verre qu’elles purent se procurer. C’était encore Armand qui avait désiré ce singulier cadeau.
— Pourquoi charger nos bêtes de ce fardeau inutile ? fit le gentleman.
— Inutile, je le souhaite, mais je crois, moi, qu’il nous rendra un grand service.
— Lequel ?
— Vous le verrez.
Escortés par les Amazouns, les voyageurs quittèrent Beharsand juchés sur quatre yaks vigoureux.
Lamfara les suivait de loin. Lorsqu’ils eurent pris congé des femmes kirghizes, le khan fit signe à l’un de ses serviteurs, et d’un ton bref :
— Va ! ne perds pas leur trace ! Sitôt cette damnée fête terminée, je partirai avec mes cavaliers… et, par Tamerlan, la rose d’Europe m’appartiendra !
L’homme se courba et, d’un pas élastique, s’élança à la poursuite d’Aurett. Cependant Lavarède pressait ses compagnons.
— Mes chers amis, poussons nos montures, nous ne serons en sûreté que dans les montagnes que vous apercevez là-bas à l’ouest.
— Quel danger craignez-vous donc ? questionna Murlyton absorbé dans la contemplation de sa fille.
— Presque rien… Le chef Lamfara, lié à cette heure par une coutume que je qualifierai d’admirable, car elle nous a servis, ne le sera plus ce soir. Il voudra sans doute reprendre le trésor que nous lui avons enlevé.
Le visage de l’Anglaise exprima la terreur. Armand s’en aperçut.
— Rassurez-vous, il ne réussira pas, car à la nuit nous aurons traversé cette plaine unie où l’avantage resterait forcément au nombre.
Et tous, fouaillant leurs montures, hâtèrent leur marche vers le point désigné par le Français.