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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Les craintes d’Aurett renaissaient. Ce personnage étrange, aux mouvements bizarres, ce khan, barbare, compliqué d’un civilisé, était inquiétant. Lamfara se méprit à son hésitation :

— Ne prenez pas encore de décision, je vous en prie… je sais que vos compatriotes ne veulent pas être contraintes. J’attendrai !…

Sur ces mots il sortit.


Lamfara.

Restée seule, Aurett fondit en larmes. Sous l’apparente douceur du Kirghiz, elle avait senti sa volonté implacable.

Comment résisterait-elle ? Hélas !… Perdue au centre du massif asiatique, séparée de ses compagnons que rien ne mettrait jamais sur ses traces, était-elle condamnée à finir ses jours à Beharsand ?

Que de projets fous se présentèrent à son esprit !… Que de résolutions désespérées elle abandonna une à une !…

Tout à coup un bruit confus arriva du dehors. Curieuse, la jeune fille courut à la fenêtre, l’ouvrit et regarda.

Dans la cour, le chef Lamfara discutait avec une centaine de femmes, au milieu desquelles se démenaient Murlyton, Lavarède et Rachmed.

— Monsieur Armand, s’écria Aurett, sauvez-moi !…

Une grande clameur répondit à cet appel. L’Anglaise vit le chef faire un geste de rage et tout le groupe s’engouffrer dans la maison.

Un instant plus tard, elle était libre. Elle marchait entre son père et le jeune homme, une illumination de joie dans les yeux. Elle interrogeait : « Que s’était-il passé ? » Mais Lavarède l’interrompit :

— Plus tard, plus tard… il s’agit de quitter cette ville. À minuit, plus rien ne pourrait nous tirer des griffes de Lamfara.

Sur son conseil, elle demanda, toujours par la voix de Rachmed, aux femmes du Patich, empressées autour d’elle, de lui permettre de continuer