Le lettré secoua la tête :
— Non, c’est la maladie.
— Tiens… il ne s’agit pas de cacher un crime ? Alors pourquoi m’offrez-vous deux mille dollars ?
Puis, se frappant le front :
— J’y suis !… Toujours le drame… Il y a un héritage ?
— Non.
— Alors, je ne comprends plus.
— Avez-vous besoin de comprendre ?
— Dès l’enfance, je n’ai su agir que lorsque le but m’apparaissait distinct, net… et… point criminel.
Les Chinois se regardèrent, ils eurent un rapide colloque à voix basse ; puis, celui qui décidément était le porte-parole reprit :
— Soit, vous allez être satisfait.
— À la bonne heure !
— Mais souvenez-vous que rien au monde ne pourrait vous soustraire à notre vengeance, si vous nous trahissiez.
— Menace inutile, fit Lavarède tranquillement. Si j’étais poltron, je ne serais pas ici. Pourquoi vous trahirais-je, puisque je n’ai pas peur de vous ?
Son interlocuteur parut goûter le raisonnement, et, d’une voix lente, commença :
— Notre nom est : Lotus blanc. Notre nom est : Pas d’hypocrisie.
— Ah ! bien !… interrompit Armand, j’y suis… Il s’agit d’un complot politique… Vous êtes les révolutionnaires de l’empire du Milieu. J’aime mieux ça !
Le lettré lui jeta un coup d’œil bienveillant.
— Vous êtes au courant, tant mieux. Un mot seulement est inexact dans votre définition. Nous ne sommes pas plus révolutionnaires que les gens de ce pays qui disent : « L’Amérique aux Américains ! » Nous disons nous : « La Chine aux Chinois ! » Conquis par une horde mandchoue, qui aujourd’hui détient le pouvoir, nous prétendons délivrer notre patrie et établir un gouvernement national chinois.
— Et pour vous faire la main vous massacrez des Européens à Shanghaï, Canton, dans le Petchi-Li !
— Nous déplorons ces massacres sans pouvoir les empêcher. Le bas peuple se souvient qu’en 1860 les soldats d’Europe ont aidé à l’écrasement des Taï-Pings voués à la même œuvre que nous ; et dans son ignorance, il