l’ai oublié dans ma poche. J’y songe en ce moment, mais continuez Mme Marroy, continuez.
— Mon fils Louis devait les conduire ensuite au chemin de fer. La duchesse a renoncé à la ligne de Valence-Lyon pour deux raisons. Primo : c’est la plus fréquentée, partant celle qui sera la plus surveillée. Secundo : la dite ligne, au départ de Marseille, court vers l’Ouest et cela eût pu déterminer une crise chez Mlle Mona.
— Une crise ?
— Oui, sa folie la tire vers l’Est. Quand elle se promenait dans le parc, elle choisissait toujours les allées orientées Ouest-Est ; elle entrait en fureur quand on essayait de lui faire adopter une autre direction.
— Singulière manie.
— Bien compréhensible, allez, cette pauvre enfant suit son cœur.
Max considéra son interlocutrice.
— Elles vous ont conté le détail de leur histoire ?
— Oui. Mme la duchesse a eu confiance en moi, et elle a bien fait. Je ne suis pas instruite comme les juges, moi, mais j’ai senti qu’elle parlait selon la vérité. J’ai été sûre qu’elle ne débitait pas des inventions de folie.
— Vous me mettrez au courant tout à l’heure ; pour l’instant, quelle ligne de chemin de fer ont-elles prise ?
— Celle de Veynes-Grenoble, avec embranchement sur Culoz-Modane. Elles se proposent ainsi de traverser l’Italie, puis de remonter à travers les provinces autrichiennes jusqu’en Bohême.
— Pourquoi ?
— Pour se rendre à Stittsheim.
— Qu’est-ce que Stittsheim ?
— Une localité, où M. Elleviousse a fait fabriquer tous ses appareils pour les cures par les rayons lumineux colorés. Il paraît que c’est là-bas que l’on fabrique le mieux.
— Ah ! La duchesse n’a pas l’intention de… ?
— Si, Monsieur, si, s’écria vivement Mme Marroy sans laisser achever la phrase commencée ; grâce à certains appareils et à la folie de Mlle Mona, elle espère, — il parait que dans ce pays-là on considère les fous comme des envoyés des dieux, — elle espère parvenir là où-son mari, où le fiancé de sa petite amie, sont morts.
— Comment ne s’adresse-t-elle pas à des parents, des amis… ?
— Ses parents ont disparu, vous savez. Du reste elle ne se serait pas tournée vers eux, car personne ne doit savoir où elle est, puisque légalement elle