Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
461
UN ENFER SCIENTIFIQUE.

Ce fut Max Soleil qui répondit. Le romancier, depuis le matin, était absorbé par des réflexions bien intéressantes sans doute, car tout le jour, il avait semblé étranger aux préoccupations de ses compagnes. Lui qui, à l’ordinaire, les exhortait, les encourageait, s’efforçant de faire pénétrer en elles une partie du courage insouciant qui le caractérisait, il était resté taciturne.

Il avait fallu la question désolée des jeunes femmes, pour le tirer de cette abornement. Et à la stupeur de ses auditrices, il demanda, non sans s’être assuré tout d’abord qu’aucun espion ne rôdait aux abords de la tente :

— Êtes-vous certaines qu’ils ont si faim que cela ?

La duchesse, Mona, Violet elle-même, le considérèrent avec une vague inquiétude. Devenait-il fou par hasard ? À quoi rimait cette interrogation saugrenue ? Dodekhan, Lucien devaient jeûner depuis onze jours, si les calculs des captives étaient exacts. Onze jours de diète absolue. Il y avait presque cruauté à douter de l’horreur de leur souffrance.

Mais le Français reprit paisiblement :

— Je me fais mal comprendre. Je voulais seulement exprimer ceci, que je ne suis pas certain du tout qu’ils aient été privés de nourriture aussi complètement que le croit San.

Mona s’était dressée.

— Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?

Max continua lentement :

— Nous campons depuis sept jours dans cet horrible endroit. Or, depuis sept jours, Joyeux, sa petite inséparable et leurs fauves disparaissent dès l’aube, pour ne reparaître que le soir. C’est-à-dire que nos ex-petits guides séjournent journellement de douze à quatorze heures dans la ville souterraine des Graveurs de Prières.

— En effet, mais qu’en concluez-vous ?

— Attendez, n’allons pas trop vite. Ils séjournent douze heures. Or, ce qu’ils racontent à leur retour, à la joie bruyante de notre stupide geôlier, emploie au maximum deux de ces douze heures. Un kilomètre de galeries à l’aller, ci dix à vingt minutes, autant au retour. Reste donc une heure vingt pour regarder, injurier les prisonniers. C’est suffisant, n’est-ce pas ? Le rusé petit drôle nous renseigne en un quart d’heure. Il procède évidemment de façon analogue à l’égard de MM. Dodekhan et Lucien.

— Certainement, certainement, acquiescèrent ses auditrices, intéressées par la manière inattendue dont Max présentait le problème.

— Eh bien, mes chères amies, ne vous êtes-vous jamais demandé à quoi