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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

Le poste A lui-même, avec un grand tableau appliqué au mur, tableau bleu, sur lequel s’alignent d’innombrables manettes de cuivre jaune, de cuivre rouge et d’argent ; tableau avec lequel voisine, tracé sur une planche noire, un plan incompréhensible pour tous. Un plan où l’on ne distingue que des points bleus, de formes, de dimensions différentes, doublés chacun d’un numéro.

Que signifie cela ? Aucun des gardiens du temple ne le sait. Aux questions des enfants, ils ont répondu avec une sourde colère :

— Dodekhan seul saurait dire le sens caché de ces choses. Le Maître San lui-même l’ignore. Il a recommandé de ne toucher à aucun des tableaux, car il estime qu’ils sont des pièges tendus par le traître du Réduit Central à la curiosité des fils d’Asie.

Dix hommes sont établis dans le poste A. Ils veillent à l’ouverture du passage secret qui permet l’accès à l’intérieur.

Au fond de la petite cour est l’entrée du dédale de galeries souterraines qui conduisent au sanctuaire. Galeries n’est point le mot propre. Ce sont des rues, des carrefours, des places ; c’est la métropole des Lad, des Mad, des Ghad, des trois grandes tribus qui gravent le Padméom, la prière souveraine, sur les schistes, les trachytes, les basaltes de l’immense chaîne des monts Célestes.

Un kilomètre sépare le poste A du Réduit Central. Vingt postes de cinq à dix guerriers s’échelonnent sur ce parcours, rendant toute tentative d’évasion impossible.

Master Joyeux semblait se complaire dans ces descriptions, et San les jugeant décourageantes pour ses prisonniers, le laissait aller, soulignant parfois, d’une plaisanterie grossière, les affirmations du gamin.

Des choses, le petit passait aux hommes. Il dépeignait le sanctuaire, évidé en pleine masse granitique, ses colonnes trapues, puis le Réduit Central, et dans ce réduit trois captifs. Deux traîtres : Dodekhan et le duc de la Roche-Sonnaille ; un niais : Sir John Lobster.

Il les montrait, affamés chaque jour davantage, leur faiblesse augmentant au point de les rendre insouciants des nouvelles qu’apportaient les petits messagers de San. Et l’athlète riait quand le petit lançait d’une voix de fausset :

— Ils savent que vous êtes là, Mesdames. Ils ne marquent aucun empressement à vous revoir. Je crois que, si nous leur présentions de la nourriture, ils mangeraient, quitte à retarder indéfiniment leur réunion avec vous.