Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
MISS MOUSQUETERR.

Est-ce que la barrière qu’il prétendait créer sur le passage des Asiates est illusoire ?

Les ennemis progressent toujours.

Les généraux qui, du quartier général, observent également, ont la même impression de doute que les voyageurs. Une fusée rouge s’élève en sifflant au-dessus du monticule.

À ce signal, le fond du cratère prend l’aspect d’une fourmilière… Les bataillons se croisent, les commandements vibrent dans l’air. Autour du quartier général, les artilleurs pointent les pièces, les mettent en batterie.

Mais les mouvements commencés ne s’achèvent pas.

Une sorte de grésillement se propage tout à l’entour du cratère, et une clameur, d’épouvante au delà, de joie délirante en deçà, ébranle l’atmosphère. Un invisible ennemi vient de faucher net les premiers rangs des assaillants.

Des centaines d’Asiates ont été jetés violemment sur le sol, où ils se tordent avec des hurlements de damnés. Ceux qui les suivent veulent reculer. Cela leur est impossible ; les derniers rangs poussent invinciblement en avant, les obligent à s’engager sur le terrain chargé d’électricité.

L’arme au pied, les Russes regardent, les Anglais plaisantent. Une joie formidable, délirante, secoue les rangs.

Elle ne connaît plus de bornes, lorsque des étincelles électriques pointent ainsi que des lances de feu sur le terrain infranchissable.

Cela dure quelques minutes à peine. De la multitude lancée à l’assaut par San, il reste deux ou trois cents hommes épars autour du camp, affolés, ahuris, qui s’enfuient dans toutes les directions, avec des hurlements d’épouvante. Tout le reste a été couché par la prodigieuse manifestation électrique.

La panique des survivants enivre les soldats. Leurs officiers tentent en vain de les retenir. Ils se ruent en avant, en un mouvement instinctif, irrésistible.

Ils ne vont pas loin. Les premiers qui atteignent le sommet de l’entonnoir du cratère sont projetés en arrière, roulent sous les pieds de leurs camarades.

Ce seul fait brise l’élan belliqueux. Évidemment, en s’obstinant à passer sur le terrain chargé d’électricité, les Européens auraient le même sort que les Asiates.

On relève les hommes culbutés. Ils n’ont aucun mal, quelques contusions, et voilà tout.

Du haut du mamelon dressé au centre du cratère, Stanislas Labianov et son collègue anglais ont assisté à toute la scène.