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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

— Il me semble que là-bas, par delà le cercle de nuit qui nous entoure, j’entends des bruits, autres que ceux de cette nature désolée.

Ses interlocutrices écoutent avec plus d’attention. Leurs oreilles se sont accoutumées au bruissement des roches au travail. Elles pensent percevoir d’autres sons lointains. Et soudain, Violet étend le bras :

— On marche de ce côté.

C’est vrai ! On discerne le pas prudent d’une troupe. Cela n’est point le rythme régulier d’un détachement discipliné ; c’est le bourdonnement confus d’une horde irrégulière, où chacun progresse à sa fantaisie, sans se préoccuper de l’allure du voisin.

— De ce côté également, murmure Mona, désignant une direction opposée. Elle aussi a raison. Le même piétinement confus grouille dans les ténèbres. C’est l’ennemi enfin ! Oui c’est lui. Une rumeur légère monte du camp. Un mouvement, soudain vient de s’y produire. Les hommes sortent des tentes… Ils se portent sur la ligne qui leur a été assignée ; les régiments prennent leurs formations de combat.

Maintenant, du fond des ténèbres, le bruit de troupes en marche arrive de tous côtés. Un vaste cercle d’Asiates se resserre incessamment autour du cratère qui abrite la petite armée européenne. On devine des bandes innombrables accourant à la curée. Où, San a-t-il enrôlé tous ces combattants ? Comment a-t-il pu les amener jusqu’ici ? Nul Européen ne le saurait dire. Le mystère des étapes, du ravitaillement sur les Hauts Plateaux a été bien gardé.

Et cependant, dans ces solitudes où un homme meurt de faim, San a trouvé le moyen de nourrir, de maintenir ses sauvages guerriers en force et en santé.

Le bruit s’enfle, devient tumulte. À la limite de l’ombre, des formes sombres se montrent, mobiles. Puis, un hurlement terrifiant s’élève vers le ciel, cri de guerre qui enclôt le camp de sa menace circulaire. Les pas d’une multitude ébranlent la terre ; c’est l’attaque.

Et brusquement, les ténèbres se dissipent. Une lumière éclatante inonde les abords du camp d’une clarté blanche. Tous les projecteurs ont été mis en action à la fois. Cette subite illumination étonne l’assaillant. Les masses ainsi révélées subissent un flottement ; mais l’hésitation est brève. La cohue humaine reprend sa course.

Elle est à deux cents mètres à peine du rebord du cratère. Elle avance toujours. La voici à cent cinquante, à cent vingt-cinq mètres. Est-ce que Dodekhan s’est mépris sur la puissance de ses appareils électro-telluriques ?