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MISS MOUSQUETERR.

Tantôt l’un, tantôt l’autre des voyageurs allait lever le panneau d’entrée, jetait un regard au dehors, puis revenait en branlant la tête.

Aucun ne songeait qu’à cette heure même, au fond de leur prison du Réduit Central, Dodekhan et Lucien, penchés sur l’écran du téléphote, regardaient le même paysage, attentifs, eux aussi, au mystère de cette nuit angoissante.

Minuit, une heure du matin.

Au début de la veillée, Max avait à diverses reprises, entraîné ses compagnes dans les méandres d’une conversation, dont le principal mérite était d’apporter une diversion aux pensées générales. Mais peu à peu, il avait rencontré une résistance plus grande. Peut-être aussi s’était-il fatigué de l’effort. Le silence régnait maintenant.

Aux soldats, aux officiers, aux généraux, cette nuit de veille devait paraître interminable. Le danger en lui-même est peu de chose ; ce qui est pénible, ce qui émousse les courages, c’est la proximité du péril et l’ignorance de l’instant où il se manifestera.

Tout homme devient brave quand il est dans le feu de la bataille. Presque tous tremblent alors que, l’arme au pied, ils attendent l’ordre qui les précipitera dans la fournaise.

Et vraiment, San paraissait se faire un malin plaisir de prolonger l’incertitude de l’armée : Un long silence encore, et la voix de Violet s’élève :

— Deux heures.

À cette minute précisément, Max Soleil, penché à l’entrée de la tente feutrée, regarde au dehors. Au son des paroles, il se retourne :

— Chut !

Ses compagnes sont aussitôt debout. Elles se glissent vers lui.

— Entendez-vous quelque chose ?

Il murmure :

— Écoutez.

Les jeunes femmes s’immobilisent. Elles tendent l’oreille.

Le froid est cinglant cette nuit. Il semble qu’il fouille le sol de ses griffes glacées. De la terre montent des grésillements, coupés parfois d’un éclat bref, strident. Il gèle à pierre fendre. Sous l’action de la température exceptionnellement basse, les rocs se désagrègent lentement en impalpables poussières, que les dégels des étés futurs entraîneront vers les plaines, vers les océans, déposeront en terrains d’alluvion à l’embouchure des fleuves.

— Eh bien ? interroge Sara après un moment.

Le romancier l’interrompt du geste.