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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

Mona et ses amis regagnèrent leur tente.

C’est là qu’ils étaient réunis. La duchesse, toujours tendre aux tristesses de sa compagne, lui parlait à voix basse.

— Mona, disait-elle, pourquoi ne laisseriez-vous pas un mot à votre père ?

— Pourquoi ?

Une lueur s’était allumée dans les yeux bleus de l’interpellée.

— Mais, reprit-elle après un court silence, le puis-je ? Cela ne serait-il pas contraire aux désirs de…

— De Dodekhan. Je ne le pense pas. Tout dépend des termes de votre missive.

Et doucement, Sara ajouta :

— Voyons, raisonnez, ma chérie. Quelle douleur voulez-vous éviter à votre excellent père ? Celle de constater votre disparition sans savoir à quoi l’attribuer, n’est-ce pas ?

— Sans doute.

— Alors, ne suffit-il pas de l’avertir que vous quittez volontairement le camp, pour travailler à l’écrasement définitif dès ennemis de la civilisation européenne. Recommandez-lui de garder le secret. Ordre de Dodekhan. Vous n’aurez rien dit de ce que notre ami nous a confié, et cependant vous aurez rendu l’espoir au général Labianov.

Pour toute réponse, Mona embrassa la duchesse, puis elle rédigea une lettre brève dans les termes indiqués par sa vaillante amie.

Ce soin pris, tous se sentirent désœuvrés. Ils subissaient ce malaise indéfinissable de ceux qui attendent un événement à la production duquel leur volonté, leur action doivent rester étrangères.

Et puis, une crainte vague. La manifestation scientifique, annoncée par Dodekhan, se réaliserait-elle ? Certes, les quatre personnages groupés sous la tente se débattaient depuis de longs mois au milieu d’une véritable féerie de la science. Toutefois, jamais encore phénomène aussi puissant n’avait frappé leurs yeux. Un homme, grâce à une machinerie inconnue, arrêtant à distance l’élan furieux de hordes barbares.

Le doute, ce bourreau subtil des heures d’attente, s’infiltrait en eux, picotait leurs cerveaux, jetait en leur esprit les ferments du découragement.

Dans le camp, tout bruit avait cessé. Sous la vague clarté tombant des étoiles, les tentes alignées se distinguaient confusément. Sur le plateau du quartier général, les canons, débarrassés de leurs enveloppes protectrices, allongeaient leurs gueules d’acier vers l’horizon sombre qui cachait les mouvements de l’ennemi attendu.