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MISS MOUSQUETERR.

— La peur vous trouble, Monsieur, réplique froidement Dodekhan ; je viens de l’établir le courant qui nous mettra à l’abri de l’eau.

Confus, l’Anglais-abaisse le bras, le laissant pendre le long de son corps ; mais le Maître du Drapeau Bleu actionne un mignon engrenage à crémaillère. Lobster répond à ce geste par un hurlement effaré.

Son revolver lui a été arraché des mains par une force irrésistible.

John tourne sur lui-même. Il aperçoit l’arme appliquée sur les deux pôles d’un électro-aimant, dans lequel Dodekhan a envoyé le courant.

Affolé, le gentleman se précipite pour reprendre l’arme. Il ne réussit qu’à recevoir une violente commotion qui le projette a trois pas et le fait rouler à terre.

Froissé, contusionné, il tente de se relever. Impossible… Dodekhan, Lucien qui a compris le but de son compagnon, se sont jetés sur le bedonnant personnage. Ils le ligotent, lui voilent la bouche et les yeux d’un lambeau d’étoffe. Ils le portent sur l’une des nattes, le couchent la face tournée vers le mur. Puis, Dodekhan avec un soupir de soulagement, s’écrie :

— Maintenant, il est aveugle et, sourd ; rien ne nous empêche plus de regarder ce qui va se passer là-bas, au cratère.

Mais son ton s’abaisse, devient mélancolique.

— Mon cher duc, prenez le revolver de cet homme. Une arme nous sera peut-être utile plus tard.

Et tandis que Lucien interrompt le courant, cueille le revolver sur l’électroaimant, le Maître du Drapeau Bleu actionne de nouveau le téléphote.

Sur l’écran se reflètent le cratère, les tentes.

La nuit est noire là-bas. De lourds nuages traversent le ciel, poussés par un souffle de tempête. Aucune lumière. Quelques feux achèvent de se consumer. Dans les tentes, des brasiers doivent entretenir la chaleur, mais toutes sont hermétiquement closes. Les généraux se sont scrupuleusement conformés aux instructions que Sara leur a transmises.

Il est dix heures. Les deux hommes se tiennent devant l’écran, attendant la venue de l’ennemi dans ce décor de ténèbres.

Et le jeune homme songe avec amertume que lui, le propagandiste de l’émancipation asiate est prisonnier, seul contre tous les fils d’Asie. Ironie des choses ! Ses seuls amis maintenant sont un petit groupe d’Européens : C’est grâce à eux qu’il vaincra peut-être San.