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MISS MOUSQUETERR.

— C’est vous, Mona. Votre parole ne saurait être confondue avec aucune autre. Que désirez-vous de moi ?

— Vous prier de convaincre mon père.

— Votre père ? Vous êtes donc auprès de lui ?

— Oui, Sous sa tente même. Il est là, il écoute. Voulez-vous lui inspirer cette confiance aveugle que j’ai en vous.

L’étrange dialogue bruissait sous la tente. Lord Aberleen se tenait penché en avant, comme s’il cherchait à happer au vol les mots s’échappant du parleur. Labianov se tenait la tête à deux mains. Tous deux étaient livides.

Certes, ils étaient vaillants. Tous deux en leur carrière avaient montré le courage le plus ferme. Mais affronter la mort, en soldat, est chose précise, tandis que la conversation dans cet appareil, avec un interlocuteur dont la résidence même restait ignorée, avait quelque chose de fantastique, dont ils se sentaient bouleversés.

— Dites, y consentez-vous ? reprit Mona d’un accent suppliant.

— Je veux tout ce que vous souhaitez, Mona, répartit doucement l’organe lointain. Mon silence vient de ce que j’actionnais mon téléphote. Je vous vois. Je vois Son Excellence Labianov. Priez-le d’abandonner son air troublé. La science ne doit point être accueillie ainsi. Qu’il approche, qu’il interroge : je répondrai comme à vous-même qui êtes le meilleur de mon âme.

Prié par sa fille, poussé par Aberleen, le père de Mona se trouva devant le parleur sans trop savoir comment.

Il était interdit à ce point qu’il demeurait immobile, aucune idée nette ne se faisant jour en son cerveau. Mais sans doute, bien loin, au fond de ce Réduit Central, où il était à la fois prisonnier de San et maître de l’inexprimable puissance scientifique mise en réserve par son père, Dodekhan se rendait compte de ses moindres mouvements, car son accent se fit presque rieur, pour lancer :

— Excellence, je suis à vos ordres.

Cela fut pour le père de Mona comme un appel de clairon.

Sa contenance se modifia instantanément. Toute la fierté du soldat brilla en lui. Son interlocuteur le regardait, il l’avait entendu tout à l’heure, il ne fallait pas que son trouble pût être discerné au dehors.

Et dominant son émoi, comprimant le frémissement de sa voix, il prononça d’un accent ferme :

— Pourquoi San veut-il que je me porte à deux jours de marche à l’Est ? Pourquoi souhaitez-vous au contraire que je séjourne où je suis en ce moment ?