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MISS MOUSQUETERR.

étranges. La tache sombre se rapproche, vient s’appuyer à la berge.

Tous comprennent. L’enfant a halé sur l’avant d’un bateau.

Et lui, évitant même de chuchoter, arrêtant la parole sur leurs lèvres, il les invite par gestes à entrer dans l’embarcation. Il aide les jeunes femmes. Sa crainte du bruit est si clairement exprimée par tous ses mouvements que, tous, malgré eux, imitent ses précautions.

Ils rampent, se glissent à l’arrière de l’esquif grossier.

Joyeux a détaché la barque, il l’a poussée sur les flots. La berge a disparu presque soudainement dans le brouillard. On flotte à présent dans des vapeurs épaisses, qui permettent à peine de discerner le gamin, débouta l’avant, et brandissant une perche.

Où les mène-t-il sur cette onde noire, parmi ce nuage qui semble rendre impossible toute direction ?

Lentement, à intervalles rythmés, l’enfant enfonce la perche dans les eaux. La marche du bateau s’accélère.

Ah ! le petit sait ce qu’il fait. Il reconnaît sa route dans cette buée. On prolonge la côte. Là-bas, au milieu des vapeurs, se dessinent des halos rougeâtres, dénonçant les derniers foyers des ennemis qui gardent toujours la cabane vide de ses prisonniers.

Et puis ces lueurs s’éteignent. La nuit noire est partout maintenant. Plus un point de repère. L’embarcation s’enfonce dans un tunnel d’ombre interminable.

Cela dura une demi-heure à peine, et tous pensaient que plusieurs heures s’étaient écoulées depuis leur départ.

Un choc léger, le grincement du fond du bateau sur le sable. Joyeux saute à terre, amarre l’esquif, et à mi-voix :

— Descendez, nous sommes arrivés !

— Où donc ?

— À l’origine du chemin qui vous mènera au camp des Anglais et des Russes.

Des exclamations, des remerciements se croisent. L’enfant les interrompt :

— Les minutes sont brèves. Le sentier s’ouvre entre ces deux rochers. À cinq cents mètres d’ici, le brouillard cesse. Vous suivrez facilement le chemin tracé qui escalade les pentes. Au sommet, vous trouverez des grottes, un feu allumé. Vous y attendrez votre compagnon, celui que San a retenu dans sa tente.

— John Lobster, se récria Violet.

— C’est le nom qu’il se donne. Il viendra là, escorté ; mais il restera