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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

qui viens de traverser les bas-pays (plaines du Turkestan) tu n’aies pas entendu parler de l’expédition entreprise par les Anglais et les Russes.

Tous écoutent bouche bée. Ils ne sauraient expliquer à leur guide qu’ils ont gagné le point où ils sont arrivés par les voies les moins fréquentées, évitant les villes, les villages importants, dans leur désir d’échapper aux espions du Drapeau Bleu, dont, ils ont pu mesurer la puissance. Max Soleil traduit, l’anxiété de tous par cette question :

— De quelle expédition s’agit-il ?

À quoi Leddin répond, avec un geste vague :

— Je ne sais pas au juste. Des bandits qu’abritent les monts Célestes.

Aucun des voyageurs ne peut réprimer un tressaillement. Les bandits des monts Célestes. Mais ce sont leurs ennemis, ceux à qui ils vont tenter d’arracher Dodekhan, le duc de la Roche-Sonnaille.

Et une armée anglo-russe va opérer contre les fanatiques.

Ils se considèrent indécis, ne sachant s’ils doivent se réjouir ou s’effrayer de ce concours inattendu. Des idées contradictoires se heurtent dans leur cerveau. Peut-être cette force militaire absorbera toute l’attention des séides du Drapeau Bleu et leur permettra d’atteindre plus aisément le but qu’ils visent. Mais peut-être aussi les misérables geôliers de ceux près desquels sont les âmes de Sara, de Mona, redoubleront-ils de précautions.

Les visages des voyageurs s’éclairent et s’assombrissent tour à tour, tandis que, sans qu’ils y prennent garde, Leddin les observe de son regard perçant.

Soudain, une douce voix s’élève. Mona parle comme en rêve :

— Mon père commande là-bas. Je le vois. Allons vers lui. C’est de notre réunion que doit sortir le salut de tous.

Elle est toute droite, comme figée en une attitude d’extase. Ses grands yeux bleus se perdent dans l’espace, semblant lire l’avenir au delà du voile qui tend la voûte du ciel. Elle répète doucement :

— Allons vers lui.

Et comme tous hésitent, irrésolus, Sara subit une impulsion subite.

— Elle a raison, dit-elle. La puissance de nos ennemis n’a rencontré jusqu’ici que des adversaires faibles, sans défense. Elle se brisera, contre une armée aguerrie, vaillante, conduite par un père qui va retrouver son enfant.

— Ma foi, je me range à votre avis, déclare aussitôt miss Violet.

Avec un sourire, la gentille Anglaise ajouta :

— Marchons vers eux, car je sens le froid entrer dans ma personne ainsi qu’en un moulin.