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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

une fois engagés dans le dédale des montagnes, il nous deviendra à peu près impossible de reconnaître notre route en avant de nous, et cela d’autant plus sûrement que la géographie de détail des régions à traverser nous est totalement inconnue. Ce sont donc nos aérostiers qui, chaque après-midi, des nacelles de leurs captifs, traceront la route du lendemain dans la direction générale Est-Sud-Est.

Et désignant deux officiers :

— Je vous prierai donc, sir Efflot, et vous Thomas Albarine, de procéder aujourd’hui à une ascension. Vous filerez autant de câble qu’il sera possible, et vous dresserez le plan topographique du pays avoisinant.

— Un seul ballon ? demanda le Russe Albarine.

— Non pas, deux. Vous vous enlèverez aux deux extrémités du camp. De la sorte, vous n’apercevrez pas les hauteurs sous le même angle, et vos plans se corrigeront, se contrôleront l’un par l’autre. À l’avenir, du reste, nous procéderons ainsi toutes les fois que le terrain le permettra. Allez, ne perdez pas de temps.

Les aérostiers saluèrent et quittèrent aussitôt la salle du conseil, suivis peu après par leurs camarades demeurés pour recevoir les instructions afférentes à chaque arme.

Stanislas Labianov et lord Aberleen restèrent seuls.

Le Russe s’était laissé tomber sur un escabeau grossier. Accoudé à la table, la figure cachée par ses mains, il semblait avoir oublié son compagnon.

Celui-ci le regardait, une pitié adoucissant ses traits énergiques.

Soudain, il tressaillit.

Un mouvement, des épaules de Labianov avait trahi un sanglot. Vite, Aberleen vint à lui et lui appuyant amicalement la main sur le bras :

— Mon cher collègue, fit-il d’une voix attendrie, encore cette désespérance dont la cause m’échappe.

Il ne continua pas. Son interlocuteur s’était dressé, démasquant sa face convulsée ; comme en rêve, il balbutiait :

— Je tue ma fille, ma petite Mona.

Puis, il eut un cri étouffé :

— Non, non, je suis fou. Je ne sais plus ce que je dis. N’allez pas croire au moins.

Tranquillement, lord Aberleen coupa la phrase :

— Si, je crois que vous souffrez atrocement, mon pauvre ami. La simple parole qui vient de vous échapper et que j’oublierai, je vous le jure, si vous