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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

d’autant plus angoissée, d’autant plus angoissante que personne n’y pouvait, donner la réponse implorée.

Un frisson révolutionnaire semblait secouer les immenses territoires asiates, et nul n’en reconnaissait la direction, le but.

Des manifestations contradictoires déroutaient toute déduction logique.

Ainsi, au début de décembre, un avis mystérieux était parvenu aux Légations d’Occident dont l’enceinte fortifiée forme un îlot dans Péking.

« Vous serez attaqués dans la nuit du 7 au 8, disait cet avis ; tenez-vous sur vos gardes. »

Les détachements militaires, affectés par les puissances à la garde des ambassades, avaient pris les armes, et, dans la nuit annoncée, nuit consacrée par les rites chinois, aux Dragons Libérateurs, l’attaque s’était produite, furieuse, effroyable.

Comme par enchantement, des nuées d’Asiates fanatiques avaient surgi des ruelles, des jardins, des yamens (palais), des pagodes de la vieille cité du Fils du Ciel, et s’étaient ruées à l’assaut des concessions européennes.

Un feu meurtrier avait accueilli les assaillants sans briser leur élan. Escaladant les monceaux de morts et de mourants, la vague humaine arrivait aux murailles, parvenait au sommet, décourageant la résistance par le nombre.

— Ils sont trop à tuer, avait crié un assiégé las de frapper.

Tout semblait perdu ! Soudain, sur les remparts de la Ville chinoise, une flamme azurée s’était allumée. Dans la foule des assaillants, un murmure avait passé… et puis, les assiégeants, brusquement dispersés, fondus dans la nuit, avaient dédaigné une victoire que leurs adversaires jugeaient certaine.

Au matin, on avait constaté avec stupeur que les cadavres eux-mêmes avaient disparu.

Comment les avait-on enlevés ? Personne n’avait rien vu, rien entendu.

Le 15 du même mois de décembre, un incident analogue s’était produit, dans le port de Shanghaï.

Des jonques, venues on ne savait d’où, avaient nuitamment pénétré dans le port, jetant à bord des navires européens, ancrés sur rade et endormis dans une sécurité trompeuse, des milliers de pirates qui n’avaient eu aucune peine à réduire à l’impuissance les équipages surpris.

Au moment où ceux-ci attendaient la mort, les Asiates, sur un mot d’ordre mystérieux, avaient précipitamment regagné leurs jonques, abandonnant leur butin. L’aube venue, aucune trace des navires. Ils semblaient s’être dissipés en fumée.