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MISS MOUSQUETERR.

— Où est Sara ? interrompit alors le duc Lucien.

— Libre, à Calcutta.

— Merci, cela suffit ; parlez, Dodekhan, parlez.

Et le Turkmène, ce Maître du Drapeau Bleu prisonnier de ses adversaires, échappant par un appareil scientifique à la surveillance de ses geôliers, reprit :

— C’est vrai, les minutes sont brèves. Profitons des instants qui nous sont donnés, du miracle qui permet que la communication se soit faite avec nous. Une fois libre, Mona, dites-le bien à la duchesse, quittez l’Inde, de ce côté vous n’arriverez pas jusqu’à nous. C’est par la Chine, par le fleuve Bleu et le Thibet… Mais j’y songe, nous pouvons guider votre marche. Emportez le parleur dont vous vous servez en ce moment. Il est réglé sur le nôtre. N’importe de quel point, vous pourrez communiquer avec nous et nous vous guiderons. Chaque soir, plantez-le sur un arbre, une solive, un poteau fiché en terre ; c’est l’heure où l’on nous surveille le moins ; nous vous parlerons, nous vous dirons…

— Comment, vous vivez encore.

— Oh ! cela, simple chance, une inspiration de Lucien de la Roche-Sonnaille. Il venait de tuer Log, nous étions renversés ; nos assassins cherchaient la place où frapper. Il s’écria : Comme cela au moins, le Drapeau Bleu ne servira plus à personne. Vous comprenez. San est un serviteur, il a une âme d’inférieur. Laisser perdre une puissance ou une somme d’argent, les valets ne savent point s’y résoudre. Bref, on nous épargna, avec l’espoir de m’arracher les secrets de la confédération des Sociétés d’Asie.

Brusquement, le visage du Turkmène exprima l’inquiétude.

— On vient, dit-il, emportez le parleur. Tirez le bouton du téléphote. Au revoir, Mona, ma bien-aimée, au revoir.

Tout s’effaça. Les spectateurs de cette scène inouïe n’avaient plus devant eux que la muraille avec ses boiseries et sa tenture grise. D’un mouvement rapide, Mona enleva le parleur, tira la rose actionnant le téléphote cinématographique sans fil, puis tendant le parleur à Violet.

— Gardez ceci, je n’ai pas confiance en moi. Il me semble que je sors d’un long sommeil. J’étais dans la nuit. Je rêvais que j’étais bien loin d’ici, en France, à Marseille. Et je n’ai pas bougé, je me retrouve là où je m’étais sans doute endormie.

Puis, avec une sorte d’anxiété, d’émotion quasi religieuse :

— Je cherchais la lumière. Oh ! ce rêve douloureux ! Mais il est fini, je vois, je vois, la clarté est autour de moi, elle est en moi. Dodekhan, Dodekhan, nos âmes se sont unies !