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LES ASSOIFFÉS DE LUMIÈRE.

Un long soupir répondit, puis la voix reprit :

— Que nul ne soupçonne son nom. Ce serait la mort pour tous. Ce serait l’épouvante.

Puis, plus doucement :

— Mais j’oublie. Je veux qu’elle nous voie, qu’elle comprenne.

Un bruissement passa, et tout à coup le panneau gris s’anima. La teinte neutre se colora, montrant aux yeux ébahis de miss Violet, de sir John, un tableau étrange.

Une sorte de vaste grotte, aux arêtes capricieuses, aux stalactites jetant leur riche ornementation au plafond élevé.

Partout, sur les parois, sur des consoles, trépieds, supports variés, des tableaux semblables aux tableaux électriques de commande usités dans les usines, les grandes administrations ; des appareils inconnus, aux cuivres brillants, aux aciers bleuâtres.

Et debout, au milieu de tout cela, penchés sur des parleurs identiques à celui qu’utilisait la mignonne Anglaise, deux hommes : l’un grand, mince, élancé, aux mouvements souples et nerveux. Son visage de teinte mat, ses lèvres rouges, ombragées d’une fine moustache noire, le nez droit, les yeux bruns, doux et souriants, formaient un ensemble presque idéal de la beauté masculine.

Son compagnon, détaille élevée également, semblait son vivant contraste. Blond, les traits agréables mais imprécis, le regard bleu gris un peu vague, il avait en lui ce je ne sais quoi de las, d’indifférente élégance qui caractérise la fin de race d’une noblesse qui s’en va.

Mais Mona s’était redressée. Elle tendait les bras vers l’écran que tous avaient reconnu être le réflecteur d’images d’un téléphote sans fil, analogue à celui dont il avait été tant parlé à propos du mystère du bastidou Loursinade, et d’une voix ardente, joyeuse, sonnant en fanfare d’allégresse, elle clamait :

— Dodekhan, le duc ! Vivants, vivants, échappés aux assassins.

Violet frissonna. Les morts ressuscitaient donc. Ces hommes, dont on cherchait la tombe, apparaissaient, évoqués par le merveilleux engin scientifique. Ils parlaient, ils se mouvaient. À ce moment même, Dodekhan répliquait :

— On nous a épargnés, mais nous sommes prisonniers de San, le misérable qui avilit notre œuvre, qui en fait une entreprise de pillage. Il voulait vous attirer ici, où nous sommes captifs, dans le temple souterrain des monts Célestes, vous, Mona, et la duchesse.