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LES ASSOIFFÉS DE LUMIÈRE.

— Je vous remercie.

Et, souriant à M. Varloff, qui s’était arrêté soupçonneux :

— Quand ma jeune compatriote aura pris un repos qui lui semble indispensable, j’irai l’interroger pour apprendre d’elle le détail de l’aventure qui m’a valu l’honneur de sa… visite.

Son accent très courtois se nuança de fermeté pour achever :

— Comme vous, cher Monsieur, je souhaite le succès des idées que je représente. Mais je serais désolé d’aggraver l’état de la victime qui nous l’assurera. Je vais envoyer de suite le médecin du Consulat pour que la pauvre blessée reçoive tous les soins que réclame son état.

Vingt minutes plus tard le cortège atteignait l’hôtel de Saint-Pétersbourg, et Violet, complètement abattue par la fatigue, était installée dans une chambre claire s’ouvrant sur le boulevard qui domine le port.

Par les croisées ouvertes, entrait le bruissement des feuillages des quatre rangées d’arbres bordant la mer, et de son lit, la jeune fille pouvait apercevoir l’immense horizon de la mer Noire aux flots d’un bleu ardoisé.

Mais elle ne se livra pas à la contemplation du splendide panorama. Le voyage en chemin de fer, la promenade à travers la ville, les clameurs de la foule, tout cela, avait dépassé ses forces.

Une rougeur plaquant ses joues disait l’assaut de la fièvre. Elle ferma les yeux, et tomba dans un lourd sommeil, secoué de sursauts, entrecoupé de rêves qui s’exhalaient en paroles incohérentes.

Vers quatre heures du soir, Violet sortit de l’engourdissement fébrile dont ses amis s’inquiétaient avec raison.

Tous respirèrent, croyant le péril conjuré. Elle s’efforçait d’ailleurs de les apaiser, plaisantant, doucement Max sur ses traits fatigués, sur ses yeux conservant de la douleur, de l’angoisse, quelque chose de hagard.

Mais sa voix se faisait si douce pour railler, que l’ironie se transmuait en caresse.

Sara, et le romancier étaient auprès d’elle, lui interdisant, avec une affectueuse gronderie de se fatiguer en se mêlant à la conversation.

À l’autre extrémité de la pièce, Mona, les yeux vagues, comme absente chantonnait sur un air inconnu, jailli de son cerveau nuageux, une sorte de romance plaintive et désolée :

— C’est une vengeance des dieux,

Qui jeta l’homme sur la terre.

La vie est un exil des cieux ;