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MISS MOUSQUETERR.

matelas, ils les fixent sur des perches de bois. Ils font une civière, parbleu.

Et comme le Parisien leur dit péniblement, à l’aide de son manuel russe, le plaisir que lui cause leur idée, ils répondent :

— Lobareff a télégraphié de Berna. L’Inglesa a été frappée par les soldats de l’Autocrate, La révolution la protège ; elle protégera la révolution.

Vaguement, le Parisien comprend cela ; mais une conversation de ce genre est véritablement trop difficile, alors que l’on ne connaît pas la langue du pays. Tout étonné de ce qu’il croit avoir entendu, le jeune homme ne veut pas faire répéter. Il se borne à indiquer la résidence choisie pour sa compagne de voyage.

— Hôtel Saint-Pétersbourg. Hôtel Saint-Pétersbourg, redit-il à plusieurs reprises, ouvrant désespérément la bouche, avec l’impression instinctive qu’ainsi il articule mieux les mots de la langue ignorée.

Et eux, rient à ses efforts. Ils ripostent d’un air bienveillant :

— Nitchevo.

La jeune fille est descendue sur le quai. Les porteurs volontaires appuient l’extrémité des perches sur leurs épaules et se mettent en marche d’un pas cadencé.

La duchesse, Max Soleil et Mona suivent, accompagnés par deux moujicks qui se sont chargés de la caisse aux tubes lumineux.

Sir John Lobster vient le dernier. Il n’a absolument rien compris à ce qui vient de se passer sous ses yeux. Ce qui ne l’empêche pas de crayonner en hâte, sur son carnet, la note que voici :

« À Odessa, je remarque le transport des blessés est parfaitement assuré par le chemin de fer. La tenue des employés laisse à désirer. La convenabilité britannique est choquée. »

Mais il s’arrête en proie à une surprise béate. On est arrivé dans la cour de la grande Gare. La place Touremnaïa, est noire de monde. Une musique attaque l’hymne national anglais, le God Save the King, tandis que les chapeaux, bonnets sont agités frénétiquement, et que des cris enthousiastes montent jusqu’au ciel :

— Hurra pour l’Inglesa ! Hurrah pour l’Inglesa !

Et sir John complète sa note :

« La population semble animée des dispositions les plus affectueuses à l’égard du nom anglais. L’Amirauté devra étudier s’il ne serait pas bon de profiter de cet état d’esprit pour annexer Odessa à la Couronne ».

Max et Sara regardent, écoutent, stupéfaits de cet accueil.

Certes, une jolie jeune fille, qu’une balle malencontreuse a couchée sur un