Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
MISS MOUSQUETERR.

Plus au courant de la puissance du Drapeau Bleu, il eût compris que l’or de la puissante association fomentait le trouble dans l’empire des Tzars. Tout ce qui pouvait affaiblir l’Europe devait être pour augmenter le pouvoir de l’Asie. Mais son antagonisme avec ses compagnons l’avait tenu à l’écart de toute confidence, et il se tortura vainement l’esprit, ce qui n’eut pour résultat appréciable que de le congestionner un peu plus qu’à l’ordinaire.

Néanmoins, aussitôt ses compagnons de voyage éveillés, il leur conta la singulière conclusion qu’avait eu son appel au parleur. Ceux-ci demeurèrent surpris, vaguement inquiets. Pourtant, assurés d’avoir réduit leurs trois adversaires personnels à l’impuissance, ils finirent par se réjouir, même par féliciter Lobster, tout enorgueilli de son succès.

La nuit vint, Sara, avec Mona et miss Violet, s’installa dans la télègue portant la fameuse caisse aux tubes lumineux ; Lobster et Max Soleil se blottirent dans la tarentass.

Le silence régnant sous le hangar eût pu faire croire qu’ils dormaient. Ce n’était là qu’une apparence. Dans l’ombre leurs yeux restaient ouverts.

Ainsi, ils perçurent la marche du bataillon, remplaçant celui qui avait assuré le service durant le jour. Ils assistèrent à la relève des factionnaires. Puis, de nouveau, la nuit silencieuse plana sur le camp.

Minuit… ! Qu’est cela ? Des ombres se glissent sous le hangar, les chevaux sont amenés dans les brancards, attelés. Les postillons, que l’on n’a point revus de la journée, se hissent sur leurs sièges. Les véhicules se prennent lentement à rouler.

À hauteur des attelages, des hommes marchent. Ils arrivent à la première ligne des sentinelles. Parbleu ! la consigne est donnée. Les soldats n’ont pas l’air de voir.

On franchit cent mètres. Un poste avancé se présente. Ici encore, tous manifestent une cécité volontaire.

Plus loin, c’est une grand’garde. On passe toujours avec la même facilité.

Et Max que la chose amuse, grommelle :

— C’est égal, si tous les « cordons sanitaires » russes fonctionnent de la même manière, on peut appeler cela la « précaution inutile ».

Les mêmes échelons de postes existent au delà de la grand’garde, le « cordon militaire » devant faire face des deux côtés. On approche de la dernière ligne de sentinelles.

Encore cent mètres et l’on sera libre. Au jour, quand on s’apercevra de la fuite des prisonniers, ils auront atteint la ligne ferrée. Un train les emportera à toute vapeur vers Odessa.