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MISS MOUSQUETERR.

Il se retourna, stupéfait. Un trio d’éclats de rire venait de retentir derrière lui. Violet, Sara, Max étaient là, manifestant une joie dont le représentant de la Chambre des Communes ressentit une colère intense. D’un accent furibond, il grommela :

— Je prie de ne pas moquer de moi.

— Ce n’est pas de vous que nous nous amusons, répartit le romancier avec la plus exquise politesse ; notre hilarité vient simplement de ce que vous ne comprenez pas le silence de vos amis, les Masques Jaunes.

— Vous comprenez peut-être, vous ? Dites un peu.

— Oh ! non, sir John ; l’explication est si simple que j’aurais l’air de vous prendre pour un naïf.

— Prenez-moi naïf, mais expliquez.

— Je n’en ferai rien, je vous estime trop pour vous adresser une pareille injure. Mais si, dans six mois, vous n’avez pas trouvé, je m’engage d’honneur à vous donner la solution du problème.

Sur cette réplique, qui provoqua un nouvel accès d’hilarité chez ses compagnes, Max pivota sur les talons, et entraînant les jeunes femmes dans l’hôtel, laissa John rouge, furieux et décontenancé, devant son parleur qui ne parlait pas.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Halte-là ou je fais feu !

Le cliquettement d’un fusil que l’on arme sonna dans la pénombre matinale. Des voix clamèrent sur la route :

— Arrêtez, iamstchiks ; arrêtez !

Les chevaux plièrent sur les jarrets. La télègue et la tarentass devinrent immobiles. À vingt pas, un soldat, portant la longue capote verte, se tenait au milieu de la chaussée, le fusil en joue. Certes, il était impossible de résister. Le Dniepr, large et profond, coulait à la droite de la route qu’un remblai abrupt bordait à gauche.

Depuis la veille, les fugitifs parcouraient à toute allure cette voie longeant le fleuve. Ils avaient quitté Kiiev : Sara, Violet et Mona dans la télègue, tandis que Max surveillait John dans la tarentass. Ils descendaient vers le Sud, plus joyeux à chaque verste parcourue. Ils espéraient atteindre, dans quelques heures, la ligne ferrée de Kichinev à Rostov qui coupe le Dniepr, et par elle gagner rapidement Odessa.

Violet et la duchesse étaient devenues des amies. Le moyen de ne pas adorer la séduisante Anglaise qui, abandonnant l’existence fastueuse, exempte de soucis, s’était lancée dans une aventure où le danger la guettait à cha-