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LES ASSOIFFÉS DE LUMIÈRE.

tout cela que plus tard, mais je vous le dis tout de suite parce que c’est plus commode. — Ce Dodekhan, un gentil jeune homme, bon et brave, et tout ce qu’il y a de meilleur enfin, était le fils d’un digne défunt, qui avait employé sa vie à réunir en un faisceau toutes les sociétés secrètes d’Asie.

— Diable !

— Vous savez qu’il y a des millions et des millions d’Asiatiques groupés ainsi.

— Oui, en effet.

— Eh bien, le père était le chef suprême de tout cela. Il rêvait d’émanciper l’Asie, de la faire libre, de la débarrasser de la tutelle de l’Europe, mais tout cela par la seule force de la logique, sans verser de sang.

— Oui, oui, je comprends. Éviter la guerre en démontrant combien elle serait dangereuse.

La surveillante approuva l’explication avec une physionomie satisfaite.

— Je ne l’aurais pas si bien dit que vous ; mais c’est ce que j’avais cru comprendre. Donc, à la mort de son père, Dodekhan avait hérité de son pouvoir et de son titre de Maître du Drapeau Bleu, car il faut vous figurer qu’un Drapeau Bleu avec, au milieu, des signes jaunes cernés de rouge, était l’emblème de la réunion des sociétés secrètes.

— Curieux, curieux, murmura le romancier très pris par le récit. Voilà donc la conspiration asiate, dont les magistrats imbéciles ont fait un rêve de folle. Les niais ! les ignorants !

— Alors Log et San, deux barbares ambitieux et féroces, voulurent s’emparer du pouvoir. Log serait alors Maître du Drapeau Bleu et mettrait tout à feu et à sang. Seulement pour cela, il fallait s’emparer de Dodekhan, le réduire à l’impuissance, et surtout le forcer à livrer certains signaux, certains secrets, ayant pour les affiliés un sens caché.

— Naturellement.

— Or, Dodekhan avait naguère sauvé la vie à Mlle  Mona. Il l’aimait et elle l’aimait. Log, qui avait dissimulé ses projets sous les couleurs du dévouement, avait obtenu la confiance du brave jeune homme, il avait été son lieutenant. Ainsi, il avait surpris son secret, ainsi il avait trouvé le moyen d’abaisser son rival.

Il allait enlever Dodekhan, il allait enlever Mlle  Labianov, il les transporterait sur un navire qui croisait au large de la côte hollandaise, et il les ramènerait en Asie. Là, il torturerait Mlle  Mona sous les yeux de Dodekhan, si celui-ci refusait de lui enseigner tout ce qu’il désirait savoir.

— Le misérable, gronda Max avec dégoût.