Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
428
MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

— Chagrine, pourquoi ?

— Parce que nous sommes à bout de munitions… Les forçats se sont joints aux assiégeants ; ils leur ont fourni tous les renseignements utiles sur les points faibles de la position. Nous restons cinq cents hommes valides. Au premier assaut, nous nous ferons tuer, et puis ce sera fini.

Elle courba la tête.

Mais elle se souvint du laissez-passer, et de nouveau l’espoir rentra dans son jeune cœur.

— Vous me ferez donner une carabine, Vas’li. Je suis revenue pour ne pas quitter mon père, quoi qu’il arrive.

Le lieutenant salua la jeune fille.

— L’hôtel du gouvernement a été transféré à l’ancienne infirmerie du pénitencier.

— Pourquoi ?

— Parce que ce point est dissimulé aux vues de l’ennemi, et qu’il a été épargné par le bombardement.

Mais s’interrompant, l’officier ajouta :

— Excusez-moi, petite Excellence, je porte des ordres qui ne souffrent aucun retard.

Sur ce, il rendit la main à son cheval et s’éloigna avec son escorte de cosaques.

Mona, elle, entraîna Jorda vers l’avenue du Gouvernement.

Les brèves paroles de Vas’li lui avaient donné une curiosité… celle de se rendre compte des résultats de ce bombardement dont elle venait de recevoir la nouvelle.

Sa curiosité lui réservait une surprise pénible.

Les sapins qui bordaient l’avenue étaient brisés et déchiquetés, comme s’ils eussent subi la rage d’un bûcheron géant. Les pavillons des fonctionnaires n’étaient plus que des monceaux de ruines, au milieu desquelles se dressaient des pans de murailles branlantes, trouées, écrêtées, par les projectiles ennemis.

Mona se sentit le cœur serré.

Un instant, elle demeura pensive devant l’amoncellement de débris marquant la place de l’ancien hôtel du Gouvernement, puis avec un geste de décision, elle s’adressa à Jorda :

— Continuons.

La servante suivit sans observation.

Sa face jaune, alors que Mona ne l’observait pas, s’épanouissait. Il y avait dans ses yeux noirs comme une irradiation de triomphe.