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LE PRINCE VIRGULE.

— Sans doute.

— Eh bien ! mademoiselle, je le déplore ; mais vous ne sauriez l’épouser sans devenir duchesse d’Armaris, vieille noblesse de France, célèbre en Dauphiné.

Et riant des mines effarées de ses auditeurs, le Turkmène reprit :

— Je conçois votre étonnement. Albert n’a jamais prononcé ce nom, par la raison simple qu’il l’ignore, et c’est moi qui ai reçu la confidence, de sa véritable identité.

— De qui donc ? s’écria le représentant de la maison Bonnard et Cie ?

— De votre mère mourante, mon pauvre ami ; de votre mère à qui j’avais promis d’être pour vous un frère dévoué ; de votre mère pour qui j’ai négligé, depuis des mois, les intérêts de cent peuples.

Mais Albert n’entendait plus. Tout pâle, les lèvres tremblantes, il murmurait :

— Ma mère, ma mère…

Et soudain, comme mû par une impulsion irrésistible…

— Ma mère est morte, à Moscou, il y a près de…

— Il y a un peu plus de vingt-six ans, rectifia gravement de Turkmène, Mme Prince, née d’Armaris, fut arrêtée, à Moscou, comme nihiliste, transportée au pénitencier d’Aousa, dans l’île de Sakhaline, où elle a rendu l’âme depuis quelques mois.

Et au milieu du silence religieux, soudain épandu dans la salle, Dodekhan parla…

Il dit la douloureuse histoire de la famille d’Armaris, la façon dont son père Dilevnor avait sauvé l’enfant, l’avait emmenée avec lui, lui faisant partager son existence de proscrit, la seule que les gouvernements lui permissent.

Il rappela la rencontre de l’ingénieur Prince au Japon, son mariage, la naissance d’Albert, puis la tragique aventure de Moscou.

Il avait bien reconstitué le drame.

À Prince, les autorités russes avaient annoncé la mort de sa femme dans une assemblée nihiliste. Jamais l’ingénieur n’avait connu la donation de Dilevnor, et Laura poussa des cris de joie, en apprenant que l’indemnité payée naguère à son père appartenait à son fiancé.

— Oh ! fit-elle, comme cela est bien ainsi… Je vous dois tout : bonheur, fortune, nom.

Pour terminer, Dodekhan tendit au jeune homme une liasse de papiers.

— Ceci, expliqua-t-il, démontre vos droits au duché d’Armaris de façon incontestable ; j’ai réuni toutes les preuves utiles.