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LE PRINCE VIRGULE.

— Je vous l’apprendrai dans l’instant. Or, tandis que, d’une part, je traquais miss Laura ; d’autre part, je vous attaquais dans votre fortune.

— Ma fortune ?

— Ma foi oui, ricana légèrement le señor ; vous aviez amassé dans vos cavernes de Swift-Current tout le cuivre disponible de la région. Eh bien ! à l’aide de braves garçons de la brousse, j’ai fait enlever tout ce cuivre.

— Vous avez fait cela ?

— Avec plaisir, croyez-le, car je puis, aujourd’hui, vous redemander la main de la jeune Laura avec des arguments tels qu’il vous devient impossible de me répondre par un refus.

Et se levant, avec un respect affecté, plus insultant qu’une injure :

— Master Topee, je sollicite la faveur considérable de devenir votre gendre. Si vous acquiescez à ma demande ; comme il est de mon intérêt d’avoir un beau-père fortuné, je vous restitue votre cuivre. En cas de refus, je le garde à titre d’indemnité. De la sorte, vous perdrez votre enfant et vous serez ruiné. Veuillez m’apprendre à quel parti vous vous arrêtez ?

Un éclair fût venu frapper la terrasse auprès des assistants, que ceux-ci n’eussent pas été plus paralysés que par l’audacieuse déclaration de Cavaragio.

Topee, Tiennette, Mariole échangeaient des regards effarés.

Nelly considérait le ciel, avec reproche, ses lèvres tremblaient, et si l’on s’était approché d’elle, on l’eût entendue murmurer :

— Il m’a jouée. ; il a employé la sympathie de mon cœur à assurer son mariage avec la personne de Laura. Cela est tout à fait abominable.

Et comme Orsato raillait :

— Allons, master Topee, répondez en toute indépendance.

Le roi du cuivre tourna les yeux vers l’endroit où Dodekhan était assis à l’instant. En cette minute critique, il voulait demander conseil, secours, au jeune homme.

Mais il éprouva une nouvelle déception.

Dodekhan avait disparu. Il s’était éloigné sans que le milliardaire, absorbé par les paroles d’Orsato, eût remarqué son départ.

Cette disparition, que signifiait-elle, sinon l’aveu de la défaite, de l’impuissance, en présence de la trame ourdie par le riche planteur de l’Arizona ?

Et Orsato, interrogeant derechef, avec une suprême impertinence :

— Eh bien ! digne Topee, est-ce le supplice et la ruine, ou bien la restitution et les douces fêtes de l’hyménée ?

Il baissa la tête, s’abandonnant à la fatalité, jugulé par la crainte de la misère, de la mort.