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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

Ézéchiel lui avait pris les mains.

— Où est-elle ? où est-elle ?

Dodekhan l’apaisa du geste.

— Là ! Là !… calmez-vous. Elle sera ici dans une heure ou deux.

— Où l’avez-vous laissée ?

— Sur le territoire canadien, à la garde d’un parti d’Indiens.

— Seule parmi des Peaux-Rouges.

— Vous oubliez qu’un dévoué l’accompagne.

— Ah ! oui. Le prince Virgule ; ce digne, ce brave prince.

— Justement. Et puisque l’occasion s’en présente, je souhaite vous entretenir un peu de lui. Au demeurant, ce désir m’a aussi poussé à prendre les devants.

Et très calme comme toujours, le jeune homme profita de l’instant pour serrer la main à Tiennette et à son père, puis prenant un siège, il s’installa auprès de Topee.

— Mon cher monsieur Topee, commença-t-il…

Mais la phrase s’interrompit sur ses lèvres.

Un galop furieux venait de résonner dans les ténèbres. Un cavalier, lancé avec une vitesse de cyclone, parcourait évidemment la route.

Le bruit s’enfla, répercuté par les échos de la plaine. Les fers du coursier invisible sonnèrent sur le pavé de la cour d’honneur, et brusquement le fracas de galop cessa.

Tous se regardaient surpris :

— Qu’est-ce ? balbutia le milliardaire d’un ton anxieux.

Nelly se précipita aussitôt vers l’escalier de marbre descendant de la terrasse à la cour ; mais elle n’eut pas le loisir de l’atteindre.

Un pas lourd claqua sur les degrés, et la silhouette d’un homme trapu, large d’épaules, se profila au haut de l’escalier.

Un cri s’échappa de toutes les bouches :

— Orsato Cavaragio !

C’était en effet le señor qui prenait pied sur la terrasse.

Il ne paraissait pas éprouver le moindre embarras. Mais Topee s’élança vers lui frémissant de colère.

— Hors d’ici ! clama-t-il. Depuis quand les larrons osent-ils se présenter dans une maison qu’ils ont désolée !

Mais cette sortie virulente ne sembla point émouvoir le propriétaire du sud.

Il ricana :

— Depuis qu’ils sont maîtres de la situation…