— Ne pensez pas cela ! se récria Prince.
— Il le faut bien pourtant. Le lieutenant paraissait fort irrité, et il a bien pu lui interdire de sortir.
— Mais alors nous serions perdus ?
— Vous ne craignez pas le conseil de guerre, j’imagine.
— Certes non ; mais notre identité sera reconnue.
— Cela est certain.
— Et alors, nous retombons aux mains d’Orsato Cavaragio… C’est le mariage indigne qui se dresse devant vous, Laura, devant moi…
— Que vous importe le mariage ?
— Comment ? Que m’importe ?
— Ne vous ai-je pas juré de n’être la femme d’aucun autre que vous ?
Non, Laura ne l’avait pas encore promis à Albert. Mais la volonté de n’avoir pas d’autre époux était si bien en elle, elle s’était fait tant de serments à ce sujet, qu’à cette heure troublée, elle croyait lui avoir donné l’assurance de son inaltérable tendresse.
— Mon revolver qui me fait libre, ajouta-t-elle avec un peu d’exaltation ; mon revolver ne me quitte pas !
Pour toute réponse, il saisit les mains de la jeune fille et les serra, fiévreusement.
Ah ! qu’il se sentait coupable envers elle.
Et comment supportait-il son regard, lui qui lui mentait sur sa qualité ?
Le remords fut si poignant qu’il lâcha brusquement les mains de la charmante enfant et qu’il se voila la face.
— Qu’avez-vous donc ? demanda-t-elle avec surprise.
Il ne répondit que par un vague murmure.
Mais les cœurs aimants devinent le sens des paroles indistinctes et elle perçut :
— Je ne suis pas digne de vous !