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LE PRINCE VIRGULE.

Elle désigna Prince.

Laura sentit ses joues se roser, mais il fallait répondre, satisfaire la curiosité de la dame, afin d’obtenir son appui. Aussi murmura-t-elle doucement :

— Oui, je voudrais, ainsi que vous dites.

— Et un autre s’y oppose ?

— Oui, il s’y oppose.

— Bon, cela est clair. Vous fuyez pour éviter ce dernier. Il vous traque, lui, naturellement. Que comptez-vous faire ?

— Quitter la ville.

— Cela est sage ; mais où irez-vous ?

— Nous tâcherons de gagner le Canada.

— Très bonne idée, mais il est loin, le Canada. Et si l’ennemi vous rejoint, s’il vous fait reprendre par la police ?

La jeune fille tira son revolver de sa poche, le mit sous les yeux de mistress Soda, qui se rencoigna dans le fond de son fauteuil avec un petit cri de frayeur, et lentement, son accent indiquant bien la résolution inébranlable :

— S’il me reprend voilà !

Cette réplique provoqua l’enthousiasme d’Arabella. Le revolver remis en poche, elle sauta au cou de la milliardaire.

— Courageuse comme un lion. Ah ! chère petite chose aimante, il ne faut pas que vous soyez martyre des douces affections. Non, en vérité, il ne le faut pas.

Puis, nettement :

— Voyons, qu’attendez-vous de moi ? Dites sans crainte. Sur le drapeau étoilé de l’Union, sur la tête de mon cher mari, je vous jure que, même en cas de danger, je ne vous trahirai pas. Bien plus, je ferai tout pour vous permettre d’échapper à un mariage odieux et de gagner celui qui vous plaît.

— Oh ! madame, que vous êtes bonne !

— Je suis aussi dans l’affection… mais parlez, parlez.

Évidemment, l’excellente personne était sincère. Aussi Laura n’hésita plus. Elle eut un regard triomphant à ses compagnons ; puis, se penchant vers son interlocutrice :

— Vous nous cacheriez ici jusqu’à la nuit ?

— Jusqu’à la nuit ?

La jeune fille ne remarqua pas le léger embarras, avec lequel la femme du lieutenant répéta ces derniers mots.